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Le Hamas, affaibli militairement, est revenu au centre du jeu diplomatique

lundi 28 juillet 2014

Le président américain, Barack Obama, a décroché son téléphone, dimanche 27 juillet au soir, pour exhorter en personne le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à instaurer une trêve humanitaire immédiate et inconditionnelle, en préalable à un accord permanent de cessez-le-feu avec les factions palestiniennes de la bande de Gaza. Mais aussi pour faire cesser les critiques acerbes envers son secrétaire d’Etat, John Kerry, accusé par certains en Israël de « trahison », après avoir soumis vendredi un projet de cessez-le-feu qui a suscité la « consternation » au sein du cabinet de sécurité restreint. Certains membres du cabinet s’étaient empressés de faire fuiter les termes de la proposition, considérée comme « une complète capitulation » face au Hamas et sa reconnaissance implicite comme partenaire politique légitime.

Le texte offre au Hamas des garanties sur l’allégement du blocus de l’enclave palestinienne sans entériner en échange la demande israélienne d’une démilitarisation des factions palestiniennes. « Israël ne peut pas se résoudre à ce que le Hamas sorte renforcé de ce conflit, mais c’est un fait. Il sort forcément grand gagnant », estime une source diplomatique occidentale.

De fait, le renversement de situation est spectaculaire. En avril, incapable de sortir l’enclave de l’asphyxie économique, le mouvement islamiste avait cédé le pouvoir à l’Autorité palestinienne, aux termes d’un accord de réconciliation
« L’AUTORITÉ PALESTINIENNE N’A PAS LES REINS ASSEZ SOLIDES »

Désormais, « les termes du cessez-le-feu le placent comme seule mode de gouvernance politique. C’est lui qui négocie le sort politique et économique de Gaza », précise cette source. Même si Israël décidait d’une opération élargie pour anéantir les capacités militaires du Hamas, cela ne signifierait pas la mise à l’écart de la branche politique. « Benyamin Nétanyahou sait que remettre l’Autorité à la place du Hamas n’est pas possible, elle n’a pas les reins assez solides, ajoute cette source. Cela supposerait une guerre longue et des mois voire des années de réoccupation. »

Le désenclavement de la bande de Gaza est désormais vu comme la seule solution pour une stabilité sur le long terme. Le Hamas apparaîtra quoi qu’il arrive comme celui qui aura arraché cette victoire. Dans l’opinion palestinienne, il apparaît désormais comme le seul représentant de la cause palestinienne, au détriment de l’Autorité palestinienne et a retrouvé son aura de mouvement de résistance, que lui contestaient les mouvements djihadistes palestiniens.

« Israël ne peut pas accepter que cette légitimisation du Hamas se fasse sous la médiation américaine, et non sous la médiation égyptienne. Ça change tout », note Ofer Zalzberg, analyste à l’International Crisis Group. John Kerry a eu beau se justifier, parlant de divergences de « terminologie » sur cet « avant-projet », présenté comme fondé sur l’initiative égyptienne acceptée le 17 juillet par Israël, il s’agit pour Tel-Aviv d’un nouveau lâchage du chef de la diplomatie américaine.

JOHN KERRY ACCUSATÉ DE PARTI PRIS

Depuis son entrée en fonctions, il y a dix-huit mois, les désaccords et les rancœurs se sont accumulés entre Israël et le secrétaire d’Etat américain, que ce soit sur le dossier iranien ou sur les négociations de paix avec l’Autorité palestinienne. « John Kerry en a bavé avec Israël et depuis l’échec des négociations en avril : lui comme l’UE sont lassés du comportement d’Israël », dit une source diplomatique occidentale. L’image de John Kerry posant samedi à Paris, aux côtés de ses homologues français et européens, avec les représentants du Qatar et de la Turquie, parrains du Hamas, lui a valu des accusations de parti pris, tant de la part d’Israël que de l’Autorité palestinienne, grande absente du projet. L’absence de l’Egypte a également été vue comme une mise à l’écart du médiateur égyptien, considérée comme proche des intérêts israéliens en raison de son animosité affichée envers le Hamas.

Conscient de son intérêt à ne pas envenimer outre mesure ses rapports avec l’allié américain, Israël a accepté, après plusieurs trêves humanitaires ponctuelles, de s’abstenir de toute offensive pendant les trois jours de la fête musulmane de l’Aïd el-Fitr, qui débute lundi. Affaibli militairement et désireux d’offrir un répit à la population, le Hamas avait demandé cette nouvelle trêve, jusqu’à fermer les yeux sur la poursuite par Israël du démantèlement des tunnels.
Mais l’obtention d’un cessez-le-feu permanent sera difficile. Bien qu’ayant subi un rude coup dans ses capacités opérationnelles, le Hamas est tenté de jeter le reste de ses forces dans la bataille pour conserver sa capacité à imposer ses conditions dans les négociations. « L’union sacrée autour de la branche politique pourrait se déliter à nouveau. Depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007, sa branche armée a pris davantage d’autonomie et refusé la logique de négociation », souligne Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes. De son côté, Israël plaide pour revenir aux termes de l’initiative égyptienne, qui laisse totalement ouverts les termes de futures négociations, ce que le Hamas a déjà catégoriquement refusé.

Hélène Sallon (Jérusalem, envoyée spéciale)
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L’ONU appelle à un « cessez-le-feu immédiat »

Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 juillet, une déclaration unanime appelant à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat et sans conditions » dans la bande de Gaza.

Les quinze pays, réunis en urgence à New York, exhortent Israël et le Hamas à faire durer ce cessez-le-feu pendant toute la durée de la fête musulmane de l’Aïd, qui marque lundi la fin du ramadan, « et au-delà ».

Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a de son côté répété « dans les termes les plus fermes » la nécessité d’étendre la trêve observée pendant douze heures samedi.


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