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Le gaz russe, arme d’intimidation en Europe centrale

samedi 27 septembre 2014

C’est probablement un dommage collatéral de la crise russo-ukrainienne. La société polonaise PGNiG, qui importe le gaz russe, a affirmé, jeudi 11 septembre, que Gazprom ne lui avait livré la veille que 55 % des volumes demandés, l’obligeant à accroître ses importations en provenance d’Allemagne et de République tchèque.

Le groupe énergétique russe a réaffirmé peu après, par la voie de son porte-parole Sergueï Kouprianov, qu’il avait respecté ses engagements et exporté 23 millions de m3 par jour, comme la semaine précédente, via les gazoducs transitant par l’Ukraine et la Biélorussie.

Le géant russe a néanmoins précisé que ses livraisons se font « en fonction des ressources disponibles pour l’exportation et de l’alimentation des réserves souterraines sur le territoire russe ».

La Slovaquie avait annoncé, mercredi, une légère baisse (- 10 %) des flux gaziers en provenance de Russie.
◾Probablement une campagne d’intimidation

La Pologne, très dépendante du gaz russe (60 % de sa consommation), est un « faucon » du camp occidental. Elle se prononce systématiquement pour le durcissement des sanctions à l’encontre de Moscou et apporte un soutien appuyé à Kiev.

Elle a aussi accru son poids diplomatique avec la nomination récente de son premier ministre, Donald Tusk, à la tête du Conseil européen.

Enfin, la baisse des approvisionnements interviendrait au moment où une troisième série de sanctions européennes risque de frapper l’économie russe.

Cette baisse des livraisons, si elle est avérée, s’inscrirait dans le cadre d’une campagne d’intimidation. Mi-juin, la Russie avait arrêté de fournir l’Ukraine tant que Naftogaz n’aurait pas commencé à rembourser sa dette gazière (4,1 milliards d’euros selon Gazprom) et qu’elle ne paierait pas par avance son gaz.
◾Moscou avait mis en garde les pays approvisionnant l’Ukraine

Les Russes avaient alors aussi prévenu qu’ils pourraient réduire les livraisons aux pays approvisionnant l’Ukraine « en flux inversés ». Ce que font la Pologne et la Slovaquie. Mais aussi le groupe d’énergie allemand RWE.

Depuis, l’escalade guerrière entre Kiev et les séparatistes pro-russes de l’est de l’Ukraine, soutenus militairement par Moscou, ont empêché de régler ce lourd et vieux contentieux gazier, même si l’on constate une détente ces derniers jours.

A l’approche de l’hiver, l’« arme du gaz » devient plus menaçante. Et plus efficace qu’en été, où le risque de pénurie est limité. Mais Moscou va devoir la manier avec précaution.
◾La commission européenne veut jouer les facilitateurs entre Russes et Ukrainiens


Malgré sa grande proximité avec le Kremlin, où se prennent toutes les décisions importantes pour le groupe, Gazprom a jusqu’à présent échappé aux sanctions occidentales. A l’exception de sa branche pétrolière qui, comme les sociétés Rosneft et Transneft (oléoducs), aura un accès restreint aux capitaux occidentaux.

Il faut dire que ses grands clients européens comme le français GDF Suez, l’allemand E.ON ou l’italien ENI, qui ont obtenu des baisses de prix, ne poussent pas dans le sens des sanctions.

Le PDG de Total, Christophe de Margerie, a dit très officiellement qu’elles étaient contre-productives. Le patron d’un autre géant européen de l’énergie s’agace lui-aussi, jugeant que « le danger ne vient pas de Vladimir Poutine, mais de la progression de l’Etat islamique en Syrie et en Irak ».

Jeudi, au moment où les vingt-huit Etats membres de l’UE trouvaient un accord pour durcir leurs sanctions économiques contre la Russie, le commissaire à l’énergie, Günther Oettinger, a quand même soufflé un peu de chaud : il a annoncé qu’il avait invité les ministres russe et ukrainien de l’énergie à Berlin, le 20 septembre, pour avancer dans le règlement du contentieux gazier russo-ukrainien, qui menace les approvisionnements de l’Europe.
◾Gazprom n’a pas vraiment intérêt à une escalade

Gazprom, premier producteur mondial de gaz, n’a guère intérêt à vendre moins à l’Europe. Elle reste son débouché quasiment exclusif à l’exportation et sa principale source de profits. Or sa situation n’est pas florissante.

Le groupe a annoncé, jeudi, une chute de 41 % sur un an de son résultat net au premier trimestre (4,6 milliards d’euros). Il a été lourdement impacté par l’effondrement du rouble, mais aussi par la dette ukrainienne, pour laquelle le groupe a dû passer une provision de 1,5 milliard d’euros.

Mais la menace est plus structurelle. Deux dirigeants de Gazprom ont indiqué à l’agence Bloomberg, sous couvert d’anonymat, que le groupe risquait d’afficher en 2014 la plus grosse baisse de ses ventes de ces cinq dernières années en raison d’une faiblesse de la demande sur le Vieux Continent et des rabais négociés avec ses grands clients européens.

Il faudra encore quelques années pour que les marchés asiatiques permettent de rééquilibrer le portefeuille de clients de Gazprom


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