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La Nuit (toujours) debout prépare son "40 mars"

mardi 12 avril 2016

Samedi, pour la 10e nuit consécutive, les manifestants occuperont la place de la République. Le mouvement n’a qu’un but : ne jamais finir. Explications.

Par Marie-Sandrine Sgherri

Si vous passez ces jours-ci place de la République, au creux de l’après-midi, vous risquez de croiser plus de CRS que de militants. Au centre du terre-plein, quelques tentes et un petit rassemblement : c’est ça, la Nuit debout ? Ce n’est décidément pas le grand soir.
Pas de raz-de-marée

C’est vrai, et pourtant. Samedi, le mouvement qui a commencé le 31 mars, jour de la mobilisation contre la loi travail, fêtera son 40 mars. Soit son 10e jour de présence. Surtout, la Nuit debout fait des émules, en province, à Toulouse, à Nantes, à Rennes... et jusqu’au-delà des frontières, à Lisbonne, on se prépare aussi à fêter le 40 mars dans une « Noite de pe ». Idem à Berlin. Mercredi, ils étaient 200 à Bruxelles, place des Barricades. Jeudi, Valence en Espagne a fait de même. Même si la place se remplit la nuit d’une petite foule studieuse, on reste loin quand même du raz-de-marée des Indignés.

Pour tenir, les militants doivent attirer les curieux et si possible les retenir. Pour cela, il faut de l’animation. À Paris, la météo a jusqu’à présent été peu clémente pour les révoltés noctambules… Il faut aussi éviter tout débordement, afin de ne pas donner aux forces de l’ordre, présentes en masse, l’occasion de faire place nette. Depuis 8 jours, Nuit debout y est parvenue. Elle est tolérée. Mais elle ressemble un peu aux cabanes des petits cochons : il suffirait de souffler dessus pour la disperser. D’ailleurs, le 4 avril, pardon, le 35 mars, Manuel Valls, qui se rendait à une table ronde non loin de la place, n’a pas eu un mot pour le mouvement. Un oubli délibéré : « Ça ne prend pas, tranche un proche du Premier ministre au Point.fr. Julien Dray qui parle d’un grand mouvement altermondialiste est complètement à l’ouest. »

« Nous ne revendiquons rien »

Le mouvement souffre sans doute de son seul mot d’ordre : « la convergence des luttes ». Pas de revendication donc, pas même l’abandon de la loi travail, qui n’est que le catalyseur de la révolte.

Pas de revendication, vous avez bien lu. Car, comme l’explique crânement sur son blog l’économiste Frédéric Lordon, l’intello du mouvement, « nous ne revendiquons rien ». Plaît-il ? « Revendiquer n’a de sens que dans un certain cadre qu’on reconnaît par là, implicitement, comme légitime, disserte Lordon. Or, vient fatalement un moment où, à force de combats dérisoires pour des miettes, et même en l’occurrence pour simplement résister à la diminution des miettes, l’impensé du cadre revient à la pensée. Non plus comme objet de revendication, mais comme objet de renversement. » Soit, mais encore ?

FRANCE-POLITICS-PROTEST-LABOUR-HOUSING © CITIZENSIDE/Yann KORBI
iL’objectif : "leur faire peur", par un mouvement inédit qui "ne revendique rien". © CITIZENSIDE/Yann KORBI

« Tout est à inventer »

Le modèle de Lordon : Merci patron !, le documentaire de François Ruffin. Un film dans lequel, grâce à des méthodes peu orthodoxes, le journaliste, chevalier blanc d’une famille ouvrière, fait carrément chanter Bernard Arnault, avec succès. Fini d’être poli. Il s’agit désormais de « leur faire peur », explique le réalisateur-militant. « Des gens ont opiné que simplement manifester une fois de plus sur des trajets convenus, c’est-à-dire revendiquer, ne serait plus suffisant. En conséquence de quoi, ils ne rentreront pas chez eux et se retrouveront quelque part pour commencer quelque chose de tout autre », explique Lordon.

On notera la formule très vague. Car tout est ici à inventer. D’où cette AG permanente censée se tenir sur le pavé. Sans mot d’ordre, sans but précis, sans leader, sans méthode… Une gageure. Mais pour l’instant, ça tient.


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