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La Chine surveille Hong Kong de près de peur de la contagion

jeudi 2 octobre 2014

Le mouvement pro-démocratie qui couve depuis des semaines dans la région autonome sous administration chinoise s’est brusquement intensifié dimanche.

Le refus de la Chine d’accorder aux manifestants hongkongais les libertés politiques qu’ils réclament risque de provoquer une crise au long cours. Mais jusqu’où Pékin est-il prêt à aller pour éviter que la fièvre pro-démocratique ne se propage sur le continent ?

Pour les analystes, la Chine est dans une position délicate : une riposte trop musclée pourrait nuire à la réputation de havre capitaliste de l’ex-colonie britannique, mais un laisser-faire total pourrait susciter des vocations pro-démocratiques sur le continent. "La Chine regarde tout ça avec une grande nervosité", explique Michael Kugelman, spécialiste de l’Asie au centre international de chercheurs Woodrow Wilson International. "Nous nous approchons d’un tournant."

Les manifestants pro-démocratie sont restés fortement mobilisés à Hong Kong mardi, veille de la fête nationale chinoise, demeurant sourds aux appels répétés du chef de l’exécutif local à rentrer chez eux. Ils étaient encore des milliers à converger à la nuit tombée à Central et Admiralty, poumon financier de la ville situé non loin du siège du gouvernement, juste avant deux jours fériés marquant la victoire des communistes sur les nationalistes et la proclamation de la République populaire de Chine en 1949.

Des pluies d’orage s’abattaient sur la ville en début de soirée, contraignant les manifestants à ressortir les parapluies multicolores déployés dimanche contre les gaz lacrymogènes et le gaz au poivre, et qui ont valu au mouvement le nom de "révolution des parapluies" sur les réseaux sociaux. "Nous avons passé plus d’une semaine sous les assauts du soleil et du gaz au poivre, nous pouvons supporter la pluie. Rien ne peut nous arrêter", assurait Choi, un étudiant en première année de fac.

Les protestataires ont juré d’occuper le coeur de la ville tant qu’ils n’auront pas obtenu les réformes politiques promises après la rétrocession à la Chine de l’ancienne colonie britannique en 1997. Ils s’insurgent notamment contre la décision de la Chine, annoncée en août, d’accorder le suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif en 2017 tout en gardant le contrôle des candidatures. Après avoir bloqué pour la deuxième nuit consécutive plusieurs quartiers, carrefours et artères vitaux de Hong Kong, région administrative spéciale (SAR) qui jouit d’une large autonomie mais dont la politique est pour l’essentiel écrite à Pékin, les manifestants étaient rentrés chez eux pour se reposer, s’alimenter et se laver.

"Activités illégales"

Le chef de l’exécutif hongkongais, Leung Chun-ying, a appelé Occupy Central, la principale organisation pro-démocratie, à mettre fin sans délai au mouvement et permettre à la ville de retrouver un fonctionnement normal. "Les fondateurs d’Occupy Central ont dit à plusieurs reprises que si le mouvement devenait incontrôlable, ils appelleraient à y mettre un terme. Je leur demande maintenant de respecter leur engagement et de mettre immédiatement fin à leur campagne", a déclaré Leung Chun-ying qui s’exprimait pour la première fois depuis les incidents de dimanche. La confrontation entre les manifestants et les forces antiémeute avait alors dégénéré lorsque les policiers avaient tenté de déloger les premiers en tirant des salves de gaz lacrymogène et de gaz au poivre.

Sans surprise, la Chine, dont nul observateur ne pense sérieusement qu’elle infléchira sa position, a apporté un soutien univoque à Leung Chun-ying. "Nous soutenons entièrement le gouvernement de la Région autonome spéciale de Hong Kong pour traiter le problème" des "activités illégales" liées aux manifestations, a déclaré la porte-parole de la diplomatie chinoise, Mme Hua Chunying. "Certains pays ont fait des déclarations à ce sujet", a relevé la porte-parole chinoise en référence à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, avant d’ajouter : "Les affaires de Hong Kong relèvent des affaires intérieures chinoises. Nous invitons instamment les parties extérieures à la retenue et à ne pas s’ingérer de quelque façon que ce soit."

Londres a appelé à l’ouverture de discussions "constructives" et Washington - engagé en Asie dans une guerre d’influence commerciale, politique et diplomatique face à Pékin - a appelé autorités et manifestants à la retenue.

La Chine "acteur responsable"

Déterminés à capitaliser sur la mobilisation estudiantine, les dirigeants d’Occupy Central ont rejeté les appels du numéro un hongkongais. "Si Leung Chun-ying annonce sa démission, cette occupation cessera, au moins provisoirement", a déclaré son cofondateur, Chan Kin-man. Qualifiés par la presse officielle chinoise d’"extrémistes politiques", étudiants et lycéens sont le fer de lance de la campagne de désobéissance civile lancée pour dénoncer ce que nombre de Hongkongais perçoivent comme une mainmise grandissante de Pékin sur les affaires locales. Le président Xi Jinping a resserré l’étau sur la dissidence depuis près de deux ans et cherche par tous les moyens à se prémunir contre une contagion démocratique. Il est difficile de ne pas craindre une répétition de la répression sanglante il y a 25 ans des manifestations de Tiananmen", estimait pour sa part mardi le New York Times dans un éditorial. Impensable, répond Michael Kugelman, spécialiste de l’Asie au centre international de chercheurs Woodrow Wilson International. La Chine aspire à "être un acteur responsable au plan international, ce qui n’était pas le cas en 1989", estime-t-il.

Sur le plan économique, le numéro un mondial des cosmétiques L’Oréal a décidé de suspendre jusqu’au 6 octobre les voyages d’affaires de ses collaborateurs à Hong Kong, en raison de la situation sur place.


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