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Jean Dominique fête ses 85 ans dans la tombe, ses assassins courent encore

jeudi 6 août 2015

Si des assassins ne lui avaient pas enlevé la vie, le 3 avril 2000, Jean Léopold Dominique aurait célébré le vendredi 31 juillet dernier son 85e anniversaire. Une date vécue dans la douleur par les proches du journaliste, dont sa fille, Dolorès Neptune. C’est très dur pour la famille, affirme-t-elle. Quinze ans après, les assassins de son père ne sont pas identifiés. « Je ne sais pas si je ne les côtoie pas tous les jours ou si je ne m’approvisionne pas chez eux », lâche-t-elle, incapable de retenir ses émotions. Je vis dans une incertitude et dans l’incapacité de faire le deuil de mon père, témoigne Dolorès Neptune. Invitée à Radio Magik 9, jeudi, elle explique qu’il est impossible de faire le deuil d’un proche disparu quand on ne connaît pas les raisons de cette disparition. Elle estime qu’on ne lui offre pas la possibilité. Depuis le 3 avril 2000, elle n’arrive pas à passer une seule soirée sans rêver de son père. « Je rêve que mon père revient, qu’il me dit qu’il n’était pas mort et qu’il s’était caché quelque part », dit-elle à deux doigts de fondre en larmes. J’attend chaque jour que justice soit rendue à mon père, a-t-elle encore déclaré. Si seulement les meurtriers de son père avouaient leur crime, dévoilaient les mobiles de leur acte et dénonçaient les auteurs intellectuels, Dolorès Neptune indique qu’elle se sentirait mieux. « Je serais au moins en paix avec moi », a-t-elle fait savoir. Croyante, elle n’a aucun problème avec le pardon. Mais, précise-t-elle, le pardon ne vient pas sans acceptabilité. Sans vouloir accuser qui que ce soit , tout ce que Dolorès Neptune souhaite c’est qu’on l’appelle un jour et lui dise que le procès va enfin avoir lieu. En dépit des nombreux rebondissements de cette affaire, elle déplore qu’il n’y ait jamais eu de véritables avancées. Ce ne sont que des gens qui en profitent pour se faire un nom ou pour gagner de l’argent, fait-elle remarquer. Un père strict mais ouvert Jamais présenté sous cet angle, Jean Léopold Dominique était un père très strict, selon Dolorès Neptune, qui a voulu rendre cet hommage à celui en qui on a toujours vu le journaliste, l’agronome et le citoyen engagé. Jean Léopold Dominique était un père protecteur, qui accordait beaucoup d’importance à l’éducation de ses filles et leur inculquait les bonnes manières. Il nous a appris aussi l’honnêteté, affirme Dolorès Neptune soulignant que toutes jeunes, elle et ses deux sœurs risquaient la punition la plus sévère pour le moindre mensonge. Mais quand elles étaient honnêtes, Jean Dominique était toujours prêt à les pardonner. Même s’il était strict, Jean Dominique laissait ses filles avec leur liberté. On pouvait écouter toutes sortes de musiques et lire tous les ouvrages de notre choix, avance-t-elle. Journaliste par hasard. « Il y a 57 ans, soit très exactement le 29 juillet 1958, son frère Philipe Dominique a été tué en voulant renverser par les armes l’ex-président François Duvalier. Revenant de Bayeux dans le Nord où il travaillait comme agronome, pendant la même semaine, Jean Léopold Dominique a été arrêté aux Gonaïves à cause de son frère. Il a été enfermé pendant neuf mois en compagnie de sa femme, du peintre Luce Turnier et d’un bébé de neuf mois », raconte Dolorès Neptune. Après avoir fait la prison et à cause de son lien de parenté avec celui qui a voulu renverser Papa Doc, Jean Dominique ne pouvait plus travailler comme agronome. « Il s’est mis à donner des cours de mathématiques au collège Roger Anglade ainsi que dans d’autres établissements scolaires de la place », se souvient-elle. Capitalisant sur leur talent d’orateur, son père et sa mère, Thérèse Roumer, ont mis sur pied TJ publicité. « Ils ont loué des heures d’antenne à Radio Haïti pour diffuser les publicités démarchées. Après un certain temps, ils ont fait l’acquisition de la radio et ont commencé à faire du journalisme », a confié Dolorès Neptune. Un dossier qui traîne Pas moins de huit juges ont eu à traiter le dossier de Jean Léopold Dominique. Le 17 janvier 2014, le juge Yvickel Dabrésil a émis un rapport désignant l’ancienne sénatrice du parti Fanmi Lavalas, Mirlande Libérus Pavert, comme « auteure intellectuelle » de l’assassinat de Jean Léopold Dominique ainsi que du gardien de la station Radio Haïti Inter, Jean Claude Louissaint. Le document a aussi mentionné huit autres personnes, dont des militants lavalas, comme l’ancien maire adjoint de Port-au-Prince, Gabriel Harold Sévère, Annette Auguste (Sô Àn), Frantz Camille, Jeudy Jean Daniel, Markenton Michel, Toussaint Mercidieu, Mérité et Dimsley Milien.


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