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James Noël, poète intranquille

mercredi 11 novembre 2015

James Noël, c’est plus de quinze livres publiés par des maisons d’édition de renom dont Seuil ; c’est un écrivain des grandes résidences dont la Villa Médicis. Ci-joint notre tentative de cerner un personnage dont la complexité n’a d’égale qu’Intranqu’îlités, sa publication à l’année depuis 2012.

Instagrammez une photo de James Noël avec un effet de flou, c’est comme plagier une de ces gravures d’époque de Rimbaud. En plus des mots, des vers pépites, il partage avec le poète espiègle le goût pour les cheveux hirsutes, les yeux en prunes, voire le visage un peu angulaire. On souhaite seulement à notre compatriote qu’il ne connaisse jamais jusqu’à sa mort la vie dissolue de l’amant de Verlaine. James définit la poésie comme une manière d’être. « C’est une idée fausse, dit-il, de confiner la poésie à des vers et des rimes. Ceux qui agissent ainsi sont des poètes qui volent bas, c’est une démarche contradictoire en soi à la poésie. » Selon lui, elle peut-être diluée dans toutes les sauces. Elle est aussi l’affaire des journalistes, des peintres, des photographes. Pour lui, la poésie c’est comme une paire de lunettes qu’il utilise pour voir au travers le réel dans sa complexité. Il conclut qu’on peut ne pas savoir lire ni écrire et être poète. C’est dans le regard des autres que l’artiste découvre sa vocation. « J’entendais souvent mes camarades me dire que j’ai l’âme d’un poète tant ils le reconnaissent dans mes attitudes, mes réflexes », raconte-t-il. Mais ce qui apparaissait en plein jour était cultivé dans son jardin secret. « Je lisais avec boulimie, ayant grandi à l’époque des coupures de courant systématiques, mon ardeur ne diminuais pas sous la lueur des lampes à kérosène. Je lisais au-delà de 2 h du matin au point que ma mère s’inquiétait à chaque fois pour mes yeux dont elle craignait la perte de leur usage », relate James Noël. Son tout premier ouvrage baptisé « Poèmes à double tranchant » est publié en 2005. Il a été préfacé par Frankétienne. Il a été réédité il y a peu de temps dans une anthologie baptisée « Cheval de feu » publiée par l’édition française « Le temps des cerises ». Depuis, quinze autres s’en sont suivis. À raison de deux par an. Mais James n’aime pas cette tendance des journalistes à tout renvoyer à la comptabilité. « Je ne travaille pas sous l’égide d’un chronomètre, dit-il, je n’apprends pas à comptabiliser. En général, ce que je publie n’a rien à voir avec ce que j’ai eu en tête à l’origine. » Les voyages, dans la vie du poète, sont fréquents. Paris, La Loire, l’Italie, Le Canada la Nouvelle-Calédonie, L’Asie... Enfin, les quatre coins du monde n’ont pas de secrets pour lui. C’est soit pour des résidences de poète, soit pour la participation à des festivals. Sur Youtube, sa vidéographie de participation à des émissions est importante. James Noël a été interviewé plusieurs fois dans des journaux de TV5 Monde et d’autres médias d’envergure du monde francophone. Ses voyages le forment, garnissent son carnet d’adresses, lui apportent beaucoup d’énergie. Cela l’inspire à instaurer pour la première fois dans notre république une résidence d’écrivain en Haïti baptisée "Passagers des vents" dans la cité carte-postale Port-Salut. C’était selon lui une façon de montrer le savoir-faire haïtien en matière d’hospitalité et aussi renvoyer l’ascenseur à tous ses hôtes dont la prestigieuse Villa de Médicis à Rome. Au lendemain du séisme, James devait réaliser pour le compte du média en ligne un dossier complet sur l’écrivain « Jacques Stephen Alexis dans le cadre des 90 ans de naissance de l’illustre romancier et poète haïtien. Pour ce faire, l’écrivain a fait un appel à proposition à laquelle ont répondu de grands noms comme l’immortel Dany Laferrière, Stéphane Martelly, Rodney Saint-Eloi, Paula Péan. Le travail une fois rendu, James a été inspiré d’en faire autre chose. En observant à l’horizon, le poète réalise que depuis quelques années, la tradition de revue solidement ancrée chez nous a été interrompue. Au lieu de philosopher sur le pourquoi, James a décidé de faire revivre le sphinx en le rebaptisant « Intranqu’îlités ». Elle est conçue, selon lui, pour "capter comme une boîte noire les vibrations du monde". En mai 2012, le premier numéro sort autour de Jacques Stéphen Alexis. En plus des récupérations des articles de médiapart, d’autres collaborateurs comme des photographes, des plasticiens comme sa compagne Pascale Monnin mettent la main à cette tâche hétéroclite, sans précédent. Le deuxième numéro consacré à Che Guevara et à l’écrivain « Jorge Luís Borges ». Paru en mai 2013, il comprend entre autres l’interview du frère du Che ainsi que celle de la veuve de Jorge. Suit un numéro 3, puis un best-of des meilleurs œuvres des tomes 1 et 2. Le quatrième, en chantier, sera réalisé sur le thème « l’espace et le temps un manifeste pour un monde nouveau ». James précise que les appels à proposition sont communiqués au moins six mois à l’avance mais dans des sphères ayant des affinités avec l’esprit de la publication. Le poète explique qu’un ensemble de pistes sont suggérées mais ne sont pas imposées aux collaborateurs. « On admet parfois des textes qui tapent même sur notre publication, voire sur nos propositions ; c’est complexe, ce qu’on essaie de faire », révèle-t-il. " Intranqu’îlités bénéficie de retours avantageux de VIP comme l’immortel Dany Laferrière qui le présente, de l’aveu de James, comme une œuvre sans précédent. "Pour l’écrivain Hubert Haddad, c’est le plus grand mouvement depuis le surréalisme." L’ensemble des numéros sont disponibles sur le site Zulma. Toujours selon le poète, Annick Girardin, la ministre française chargée de la francophonie, s’engage à diffuser la revue à travers le réseau des Instituts Français de par le monde. L’actu de l’écrivain est dominé par la publication au Seuil dans la collection « Points » en version poche d’une anthologie de poètes haïtiens contemporains dont 73 tous vivants. Aussi un coffret comprenant une réédition de « Le sang visible du vitrier » (2007) et de le « Pyromane adolescent » (2013). Dans les projets, il y a la publication sous peu d’un livre en créole sous le titre de « Majigriji », un pamphlet sur le gouvernement de Martelly qui a prétendu donner du rose à un pays de misère noire.
- Chancy Victorin chancyvictorin@ticketmag.com


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