MosaikHub Magazine

Israël/Etats-Unis : une défiance sans précédent

jeudi 2 avril 2015

Benyamin Nétanyahou a toujours entretenu des relations délicates avec les administrations américaines. James Baker l’avait déclaré un temps persona non grata au département d’Etat. Bill Clinton était ressorti exaspéré par sa suffisance lors de leur première rencontre, en 1996, et n’avait guère eu l’occasion de changer d’avis par la suite. Avec Barack Obama, parvenu au pouvoir peu de temps avant que le chef du Likoud n’y revienne, la mésentente s’était également très vite installée, sous le vernis de plus en plus écaillé des proclamations rituelles d’attachement réciproque.

Du 3 au 16 mars, à l’initiative de M. Nétanyahou, cette dégradation a cependant franchi un palier critique. Devant un Congrès réquisitionné pour ses besoins de campagne, le premier ministre israélien sortant a tout d’abord délivré le réquisitoire le plus virulent jamais prononcé par un visiteur étranger au cœur de la capitale fédérale contre les négociations avec l’Iran. A la veille du scrutin, en annonçant qu’il ferait obstacle à un Etat palestinien, il a ensuite piétiné la ligne directrice des Etats-Unis sur ce dossier depuis plus d’une décennie et jeté aux orties le discours qu’il avait prononcé en 2009 pour revenir à la doctrine originelle de son parti, qui refuse la création d’un second Etat à l’ouest du Jourdain.

A peine déclaré vainqueur, M. Nétanyahou s’est empressé de revenir sur ses propos s’agissant de la Palestine. Mais il s’est heurté à la Maison Blanche à une muraille de scepticisme dans laquelle on voit mal comment il pourrait ouvrir une brèche. L’administration Obama, en effet, a fait le choix de dresser l’inventaire de tout ce qui l’oppose au chef du Likoud. Sur la forme, comme sur le fond.

Dès le lendemain des élections, Josh Earnest, le porte-parole de M. Obama, a rappelé à l’ordre M. Nétanyahou pour des propos stigmatisants tenus la veille à propos des Arabes israéliens, assurant qu’ils constituaient un abandon des principes démocratiques qui constituent le cœur de la relation israélo-américaine. Renvoyant en quelque sorte le chef du Likoud à un autre discours, prononcé en 2009 devant le Congrès, dans lequel il avait fait de ces principes le socle d’un exceptionnalisme israélien.

Deux jours seulement après les élections, alors que M. Obama avait attendu bien plus longtemps après les deux succès électoraux enregistrés par M. Nétanyahou en 2009 et en 2013, le président des Etats-Unis a joint le premier ministre israélien sortant, officiellement pour le féliciter, mais aussi et surtout pour rappeler qu’il ne dévierait pas de sa route sur les dossiers iranien et palestinien. Car le différend dépasse désormais l’animosité qui peut s’installer entre deux personnalités aussi éloignées l’une de l’autre qu’on peut l’imaginer. Il concerne plus fondamentalement la définition des intérêts stratégiques de leurs pays respectifs. Dit autrement, les Etats-Unis de Barack Obama ne semblent plus poursuivre les mêmes objectifs que l’Israël de Benyamin Nétanyahou.

« Muraille de fer »

Quand le premier juge fondamental un compromis avec l’Iran et le règlement d’un conflit qui participe au pourrissement du Proche-Orient, le second défend une vision obsidionale inspirée de la « muraille de fer » jabotinskienne – leader de l’aile droite du mouvement sioniste, Zeev Vladimir Jabotinsky avait développé, en 1923, une théorie selon laquelle l’armée juive devait imposer par la force le sionisme sur les deux rives du fleuve Jourdain –, un rapport à somme nulle où le gagnant fait nécessairement un perdant. Chaque fois qu’Israël s’est retiré, rappelle M. Nétanyahou, ses adversaires ont avancé, du Liban sud à Gaza, se gardant bien cependant de préciser qu’à chaque fois, les retraits unilatéraux ont précisément offert sur un plateau un succès militaire, politique et symbolique à ces mêmes ennemis.

En écoutant le 16 mars Benyamin Nétanyahou raconter pourquoi la création de la colonie de Har Homa, en 1997, avait été fondamentale à ses yeux pour couper Bethléem de la partie orientale de Jérusalem, Barack Obama n’a pu que se résoudre à cette évidence que la litanie des appels d’offres pour de nouvelles constructions ne fait que confirmer depuis longtemps : le premier ministre sortant ne veut vraiment pas d’un Etat palestinien. Ce jour-là, M. Nétanyahou est crédible. Beaucoup moins trois jours plus tard.

Ce constat, s’agissant du dossier palestinien, offre pourtant peu de perspectives à l’administration américaine. En décembre 2014, le président Obama a signé une loi de finances qui prévoit une aide militaire de 3,1 milliards de dollars au bénéfice d’Israël. Ce président démocrate, si décrié en Israël, est celui qui a porté à des niveaux inégalés cette assistance, alors qu’elle entretient pourtant l’illusion selon laquelle il n’est pas de problèmes territoriaux qu’une solution technologique ne permette de gérer, permettant de faire l’économie d’une véritable réflexion politique.

En dehors de mesures cosmétiques – le remplacement d’un ambassadeur à Washington, la reprise par Israël du versement à l’Autorité palestinienne de l’argent qui lui appartient –, la divergence entre les deux pays pourrait passer, une fois n’est pas coutume, par les Nations unies. En 1997, les Etats-Unis avaient opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité dénonçant la construction de Har Homa. Il n’est pas dit à l’avenir que Washington étende à New York ce bouclier symbolique aussi mécaniquement qu’il a pu le faire à des dizaines de reprises pour complaire à son allié. Et ce ne sont pas les micro-Etats du Pacifique votant systématiquement en faveur d’Israël qui pourront alors dissimuler un isolement international sans précédent.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/03/24/israel-etats-unis-une-defiance-sans-precedent_4600195_3218.html#Mbh5O8SfGO4s1Ggq.99


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie