MosaikHub Magazine

Insoutenable attente du retour de deux enfants kidnappés -

samedi 5 mars 2016

3 heures 30, vendredi 4 mars 2016. Le téléphone hurle à intervalles réguliers, brise le lourd silence dans le petit salon d’une maison située au bout d’une impasse, quelque part à Clercine, à la plaine du Cul-de-Sac. Pour les proches et amis en quête de nouvelles, Orasmème Bellas, stoïque, répète inlassablement la même chose : « Jusqu’à présent, je n’ai aucune nouvelle des enfants. Je ne sais pas s’ils sont vivants ou morts ». Il n’y a pas de corps mais une appréhension du pire et une lueur d’espoir qui ne s’éteint pas dans les yeux de Oresmène Bellas, peintre en bâtiment et de sa compagne Guerda Louis de retrouver Dimitri Bellas, 8 ans, Loudemilla Louis, 11 ans, 17 jours après leur kidnapping sur le chemin de l’école, à Tabarre 16, le mercredi 17 février 2016.

L’attente est insoutenable. « Nos corps sont secs. Il n’y a plus d’eau, plus de larmes », confie Guerda, mère de Dimitri, tante de Loudemilla. La taille ceinte de morceaux de tissus, habits des enfants, la mère, la paupière inférieure enflée, répète et répète avoir cru reconnaitre la voix qui, mercredi 17 février, annonçait au téléphone, le 49163652, avoir enlevé les enfants et entamé des négociations pour la rançon. « J’ai demandé à parler à Dimitri qui m’a demandé : « Comment vas-tu maman ? », raconte Guerda Louis un sanglot dans la voix. Le ravisseur, qui a demandé 20 000 dollars américains, accepte finalement 50 000 gourdes et fixe le lieu de rendez-vous du versement de la rançon, quelque part à Marassa 12, dans les parages du pont de Tabarre. Sur son malheureux vélo, l’argent enveloppé dans un sachet en plastique, Orasmène Bellas a suivi les instructions et déposé l’argent dans une boîte en carton au bout de l’impasse Jérusalem, presque à côté d’un pan de mur sur lequel était écrit « La paix ». Orasmène Bellas n’était plus en paix au moment où il se rendait avec un téléphone à la batterie presque déchargée, à Carrefour Marassa, l’endroit où il devait récupérer les enfants.

Il achete avec un ultime billet de 1000 gourdes un téléphone Blu afin de rester en contact avec la voix, le kidnappeur. « A un certain moment, le kidnappeur ne répondait plus au téléphone, cette fois le 46981069. Je demandais à Dieu quoi faire », raconte Oresmène Bellas. A 7 heures p.m., jeudi 18 février, le ravisseur a dit que les enfants lui posaient problème et qu’il a décidé de les envoyer à Croix-des-Bouquets. Il reçoit quelques minutes plus tard le texto qui a anéanti l’espoir de retrouver les enfants après le versement de la rançon. « Tounen lakay ou. Ma ba w bri. Ti gason w lan ap bay pwoblèm, fò m antre nan baz ». « Soudain, j’ai senti un déchirement dans mes entrailles », confie Oresmène Bellas, accroché à la DCPJ comme à une bouée de sauvetage.

Sur sept photos que lui présentent les policiers de la cellule contre enlèvement, Oresmène Bellas identifie deux personnes : Roody Guerrier et un autre homme. Roody Guerrier, après le séisme du 12 janvier 2010, avait eu l’autorisation du couple pour installer sa tente sur le terrain fraîchement déblayé de leur maison qui s’était effondrée. Roody Guerrier, cleptomane sur les bords, était resté quelques mois dans la cour avant d’être amicalement invité à partir par le couple qui entamait la reconstruction de leur logis. Stupeur. Pas lui. Comment a-t-il pu ? Pourquoi ? C’était donc cette voix que Guerda avait reconnue ? Des voiles se sont levés. Petit à petit. En revenant de la DCPJ, par hasard, Oresmène Bellas confie avoir croisé le chemin de Roody Guerrier. « Il m’a dit qu’il était au courant de mes problèmes. Je l’ai amadoué pour qu’il s’approche de moi. Je lui ai sauté dessus », confie-t-il. La DCPJ est venue le prendre.

Espoir. Illusion. « Quand on l’a arrêté, j’ai espéré retrouver les enfants », explique Oresmène Bellas. Roody Guerrier, qui a reconnu son implication dans le rapt, a affirmé que c’est Frantzo, un de ses comparses, qui a les enfants. C’est une Rav 4 bleue qui a intercepté et enlevé les enfants, dit Roody Guerrier, qui a finalement communiqué son adresse après cinq jours d’interrogatoire. Le SIM qui a envoyé le texto a été retrouvé en sa possession, raconte Oresmène Bellas. La DCPJ a fait une descente à Santo 9, à l’adresse communiquée par Roody Guerrier. Aucune trace des enfants. Les lieux ont été passés au peigne fin. On a vérifié si la terre n’a pas été fraîchement remuée. Rien. Pas d’enfant. Pas de traces d’inhumation. Entre-temps, un voisin, habitant une chambre de la dépendance de cette maison à Santo 9, se rend à la DCPJ. Son témoignage est crucial. Le 17 février, il a vu Roody Guerrier entrer chez lui avec les enfants qui ne semblaient pas s’alarmer. Ils le connaissaient. A la tombée de la nuit, Dimitri et Loudemilla se sont mis à pleurer. Roody Guerrier a demandé au voisin de dire aux enfants de se calmer car leur mère va leur envoyer à manger. Le voisin, qui s’est rendu le lendemain en République dominicaine, affirme qu’il ne savait pas que les enfants ont été kidnappés, explique Oresmène Bellas, père de deux autres enfants, dont l’aînée, Saïka, écoutait le récit de cet évènement qui a bouleversé sa vie. Pour elle, l’attente de son petit frère Dimitri et de sa cousine Loudemilla est tout aussi insoutenable. Elle a emprunté ce matin le même chemin pour aller à l’école. Elle aurait dû être avec eux si elle ne s’était pas rendue à l’école un peu plus tôt. Elle avait cours à 7 heures du matin…
- Roberson Alphonse
robersonalphonse@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie