MosaikHub Magazine

Fred Brutus écrit aux organisations de femmes de la société civile

mercredi 5 août 2015

Très chères femmes haïtiennes, Personne ne pourra trouver les mots justes pour qualifier l’attitude du président Michel Martelly le mardi 28 juillet 2015 à Miragoâne. À quelques mois de la fin du mandat, on ne pouvait pas penser que le Président allait franchir ces limites, « violer » une femme en public sous les yeux de tous, pour ensuite se battre la poitrine, fort de son immunité en tant que chef d’État. La toute-puissance des chefs, surtout en Haïti, est un miroir aux alouettes et ne dure que l’espace d’un éclair. Et après quoi elle dégénère dans la plus abjecte déchéance, la plus humiliante déroute. Avec cette administration, le pays a franchi le seuil de l’indécence et de l’obscénité. Cette « agression sexuelle » du mardi 28 juillet restera gravée dans l’Histoire de ce pays comme « l’opprobre de Miragoâne ». Je ne pouvais rester silencieux et simplement apposer ma signature au bas d’une pétition pour protester contre l’écart de conduite du Président. Je voulais exprimer publiquement ce que je ressens, du plus profond de moi-même, face à cette dérive autoritaire, sexiste et antisociale. Après ces longues années passées au sommet du pouvoir d’État, c’est triste que ce Président n’ait pas appréhendé la dynamique des relations internationales pour comprendre que l’équité du genre est une donne incontournable dans les relations interétatiques et dans les arrangements sociopolitiques à l’intérieur des sociétés. Comme la démocratie représentative ou le droit des enfants ou le droit à la libre expression, la question sensible du droit des femmes ressemble à s’y méprendre à une longue marche sur des œufs semés sur le sol de la vie sociopolitique. Mache sou trèz ou pou pa pile katòz ou. Respectez les femmes ! Respectez leur honneur et leur dignité ! C’est maintenant le politically correct des formations sociales et politiques actuellement. Personnellement, j’ai été élevé dans un univers de femmes, mère et sœurs, qui m’ont appris que la Femme est [vraiment] l’avenir de l’homme alors que je ne connaissais même pas encore le nom de Louis Aragon et la chanson à succès de Jean Ferrat. Ma mère a aujourd’hui 99 ans. Je ne rate jamais l’opportunité pour saluer son courage, sa foi et sa ferme volonté d’avoir fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je me propose de visiter cette victime d’« agression sexuelle » à Miragoâne à ma plus prochaine visite dans les Nippes. Elle mérite excuses et réparation pour ce qu’elle vient de subir de la part du président Martelly. Car son seul crime, c’est d’avoir voulu exercer son droit à la libre expression et, ce qui est pire, d’être une femme face à un homme dont les pratiques avec la gent féminine sont marquées par l’irrespect caractérisé et la vulgaire sublimation de la pulsion sexuelle uniquement. Je demeure persuadé que cet accident de parcours ne va pas décourager les femmes dans leur lutte continue pour le respect de leurs droits. Le nouveau Président qui sera élu dans les mois à venir saura qu’en février 2016 il y a un effort considérable à faire dans le domaine de l’équité du genre. Vive Haïti, vive la démocratie, vive la femme haïtienne ! Port-au-Prince, le 3 août 2015


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