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Emmanuel Petit : "Avec Zidane, il fallait clore le chapitre"

mardi 8 septembre 2015

Sept ans après son premier livre, Manu Petit sort un nouvel ouvrage Franc-Tireur (Edition Solar). Avec son franc-parler, le champion du monde 98 se livre, pousse quelques coups de gueule et fait ressurgir ses bons souvenirs avec Arsenal ou l’équipe de France. Il met également les points sur les i avec Zidane.

Manu, pourquoi avoir écrit ce livre ?

Emmanuel Petit : Je n’ai pas voulu écrire un livre polémique parce que c’est toujours sous cette étiquette-là qu’on me caricature. On peut ne pas être d’accord avec ce qui se fait dans le football actuel. Critiquer les choses c’est déjà un avancement mais proposer des alternatives et des idées c’est mieux. J’ai essayé de faire un livre qui ne soit pas basé que sur la critique mais qui soit constructif.

Tu affirmes n’avoir aucune ambition électorale mais tu proposes quelques pistes pour réformer le football. Parmi elles, tu t’attaquerais au fair-play financier pour qu’il soit plus juste.

E. P. : Le fair-play financier part d’un bon sentiment, celui d’éradiquer les dettes des clubs européens. Mais il ne répond qu’à cette seule question. Il ne répond pas à la spéculation dans le football. Je pense que l’UEFA devrait créer un indice de référence qui serait modulable en fonction des pays en prenant en compte leurs spécificités fiscales. Puisque l’Union Européenne est incapable d’harmoniser la fiscalité, pourquoi l’UEFA ne serait pas capable de le faire et donc de mettre en place une DNCG (gendarme financier du football, ndlr) européenne.

Une de tes références dans le football, c’est Arsène Wenger. Il a su te parler*, dis-tu, notamment au début de ta carrière à Monaco.

E. P. : J’avais toujours une attitude assez taciturne lorsque j’arrivais à l’entrainement, c’est vrai. Ce n’était pas un manque d’envie ou de passion mais le souci c’est que je n’avais pas fait la paix avec les fantômes de ma conscience. Je n’avais toujours pas fait le deuil du décès de mon frère, de mon grand père et de mon meilleur ami à ce moment-là. Et Arsène est une personne humaine qui essaye de traiter l’humain avant le joueur de football. J’ai adoré travailler avec lui.

En Angleterre, on a vu Manu Petit sous le maillot d’Arsenal et de Chelsea. On aurait pu voir Manu sous le maillot de Manchester United. Pourquoi ça ne s’est pas fait ?

E. P. : À chaque fois que j’ai pris une décision privée avant une décision sportive, je me suis planté. Ça m’était déjà arrivé en allant d’Arsenal à Barcelone. Mon épouse de l’époque voulait vivre sous d’autres cieux, au soleil, face à la mer. Il y a pire comme club mais à cette époque-là, j’étais très heureux à Arsenal, j’ai écouté mon cœur plutôt que la raison. Je m’en suis voulu après. Manchester United a vu dans quel état j’étais les premiers mois à Barcelone. J’avais beaucoup apprécié la démarche de Ferguson. Si j’avais du faire un choix sportif, je serais allé à Manchester plutôt qu’à Chelsea. Mais une fois de plus, j’ai privilégié un choix privé sur un choix sportif. Je le regrette.

L’équipe de France, tu en parles beaucoup, avec amour surtout, avec émotion parfois comme lorsque tu évoques ton retour à Clairefontaine l’année dernière, seize ans après la victoire de 1998. C’était avec Yahoo. Tu évoquais le souvenir de cette équipe qui te manque. C’est toujours le cas ?

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Emmanuel Petit
Emmanuel Petit

E. P. : C’est plus la façon dont on fonctionnait qui me manque. Je n’arrive pas à retrouver dans la vie de tous les jours cette solidarité, cette mixité, les différentes opinions qui s’exprimaient, les différentes personnalités. Tout ça a permis de tirer la quintessence de cette équipe. On avait la même vision, le même objectif et le même état d’esprit. C’était ça notre force. Et c’est ça qui me manque au quotidien, cet esprit d’équipe. Ça me manque oui. Je ne dirais pas que c’est devenu une obsession mais presque.

Dans Franc-Tireur, tu as aussi voulu revenu sur la polémique avec Zidane qui avait entouré la sortie de ton précédent livre.

E. P. : J’estimais qu’il fallait clore le chapitre. A cette époque, j’expliquais mon incompréhension sur le manque d’implication de Zizou sur des problèmes sociétaux extrêmement importants. On s’en est expliqué ; on s’est quitté fâchés pour être honnête avec vous. Je lui avais dit qu’en France, on avait perdu des leaders d’opinions et de sympathie comme Coluche, l’Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle qui arrivaient à fédérer tout le monde ; du patron du CAC 40 à l’homme de la rue. A cette époque-là je n’avais pas bien compris sa position même si je sais qu’il s’investit pas mal. Huit ans plus tard, c’est une façon de boucler la boucle et de lui rendre hommage parce que ça ne doit pas être évident. Dès qu’un personnage public prend position sur des problématiques sociétales, il s’en prend plein la tronche. Je peux comprendre qu’il décide de s’investir dans des actions qui lui tiennent à cœur. Je ne lui en veux pas du tout, peut être que lui m’en tient rigueur encore. Simplement il n’y avait pas un aspect négatif dès le départ, il y avait une incompréhension surtout. Maintenant je comprends mieux.

* « Manu, faut que tu sortes davantage, que tu apprennes à te découvrir en tant qu’homme avant de découvrir le joueur que tu es sur le terrain, il faut que tu arrêtes de te braquer face à la vie. Il faut que tu l’acceptes ; la vie, elle est belle. », Franc-Tireur, page 112.


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