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Elections : le piège Kerry pour les vrais- faux démocrates ?

mercredi 17 décembre 2014

Le Nouvelliste

Le président Michel Martelly n’a jamais été aussi affaibli depuis son accession au pouvoir le 14 mai 2011. Son Premier ministre Laurent Lamothe, démissionnaire, est sorti sur civière, cassé par des coups venus de partout, même de son propre camp. Le ministre de la Justice, Jean Renel Sanon, l’un des faucons du régime, n’a plus de plumes, plus de griffes. La rue, pas uniquement alimentée par la sève d’une légitime indignation face aux dérives du régime Tèt Kale, ne décolère pas. Plusieurs milliers de manifestants, à Port-au-Prince comme en province, ont encore réclamé le mardi 16 décembre le départ du président Martelly quelque peu édenté.

Comme pour calmer l’ardeur de l’aile dure de l’opposition d’obédience lavalas et leur désir de tabula rasa, de « rache manyòk » et de gouvernement de transition, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a fixé la position des Etats-Unis à un moment où les lignes ont beaucoup bougé en quelques jours avec la démission de Laurent Lamothe et l’implosion du CEP. En une phrase, John Kerry, qui a appelé les leaders politiques haïtiens « à résoudre le problème des retards dans les élections », souligne à l’encre forte que « les Etats-Unis supportent le droit du peuple haïtien à aller aux urnes pour déterminer son avenir ». « Les élections sont essentielles pour le développement démocratique d’Haïti et pour la continuité du progrès enregistré dans le processus de reconstruction et de développement après le tremblement de terre », a renchéri le chef de la diplomatie du puissant voisin nord-américain.

Pour caresser tout le monde dans le sens des poils, John Kerry a salué « le président Martelly pour ses efforts courageux en vue de résoudre l’impasse et pour sa décision d’accepter les recommandations de la commission ». La démission du Premier ministre Lamothe « est une preuve de l’engagement de l’exécutif haïtien à résoudre la situation », selon le patron de la diplomatie américaine. « Le Parlement et les leaders politiques haïtiens ont aussi travaillé sérieusement afin de préserver l’intégrité des institutions démocratiques haïtiennes », a estimé John Kerry, qui dit reconnaître que des « concessions » ont été faites de toutes parts pour résoudre l’impasse.

Le diplomate, qui a affirmé le soutien des Etats-Unis à la Commission consultative présidentielle, a « exhorté » « toutes les parties à parvenir sans délai à un accord définitif sur tous les problèmes non résolus et à le respecter en toute bonne foi ». Revenant sur les progrès réalisés en Haïti cinq ans après le séisme, John Kerry a souligné que « l’avenir de ce progrès est entre les mains des leaders haïtiens » qu’il exhorte « à négocier une solution qui ouvrira la voie à l’organisation des élections qui doivent être fixées le plus vite possible ».

Sans langue de bois ni formules diplomatiques, l’ambassadeur des Etats-Unis à Port-au-Prince, Pamela Ann White, a renouvelé son soutien au président Michel Martelly dont le départ est réclamé pendant des manifestations qui gagnent en intensité et augmentent en fréquence. « Nous croyons qu’il était élu pour une certaine période de temps. Il doit rester jusqu’à ce que son mandat prenne fin », a confié l’ambassadeur dans une interview exclusive au journal Le Nouvelliste le lundi 8 décembre 2014. Pamela White a confié avoir observé un « changement de mentalité afin d’aller à la table pour trouver une solution ». « Il y a un petit changement de tonalité du côté de l’opposition. Maintenant elle dit : nous voulons aussi les élections, madame », a expliqué la diplomate, avant les évènements du week-end dernier.

Ce mardi, dans le sillage des grands départs, cinq entités politiques seraient sur le point de participer mercredi à des discussions directes avec le chef de l’Etat. Sans Fanmi Lavalas qui n’a jamais officiellement réclamé le départ de Martelly mais a toujours soutenu ses militants, « le peuple », qui réclame la tabula rasa. Il est temps que les loups sortent du bois, que les démocrates disent s’ils sont prêts à cracher sur les élections comme moyens acceptés dans toutes les démocraties du monde pour accéder au pouvoir politique. Elections, est-ce le piège Kerry pour les vrais-faux démocrates ?

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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