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Cuba : la santeria veut profiter de la visite du pape François

samedi 19 septembre 2015

Au son des tambours sacrés, appelés "bata", une vingtaine de personnes, adultes et enfants confondus, dansent et chantent autour d’un homme allongé face contre sol au milieu du salon d’une maison coloniale du centre de La Havane.

L’homme lève la tête puis agite des maracas en psalmodiant devant un petit autel garni d’offrandes. Il remercie "Babalu Aye" pour avoir recouvré la santé.

Ce Cubain de 51 ans, Marcelo Zulueta, vient d’Allemagne. Il explique à l’AFP être venu à Cuba pour la visite du pape François, mais aussi pour renouer avec le culte afro-cubain, parce que "cela est très important pour (lui) d’unir (ses) racines afro-cubaines et catholiques". "Elles sont étroitement liées chez moi".

A Cuba, environ 70% de la population s’adonne au syncrétisme religieux, subtil mélange de christianisme et de rites afro-cubains importés par les esclaves à l’époque coloniale.

Ce culte, appelé santeria, a survécu à l’hostilité du clergé catholique puis à l’athéisme communiste des premières décennies de la révolution.

Aujourd’hui, beaucoup de ses adeptes affirment qu’ils iront saluer le pape François, en visite dans l’île de samedi à mardi.

"François est le pape qui a apporté le miel qui manquait à nos vies", assure à l’AFP le "babalawo" (prêtre santeriste) Juan Manuel Perez, également président de l’Association culturelle yoruba de Cuba.

M. Perez se dit convaincu que le regard de l’Eglise a changé depuis l’arrivée du pape argentin, même si les autorités religieuses locales comme le Vatican se gardent bien de cautionner ces cultes.

"Maintenant l’Eglise nous permet de venir ici pour célébrer les cérémonies", assure le "babalawo", soulignant que désormais seuls "les témoins de Jéhovah" et certains intégristes sont hostiles à ces rites.

- Abstinence et sacrifices -

Si le plus connu des cultes afro-cubains, le vaudou haïtien, trouve son origine au Bénin, la santeria puise, elle, ses racines dans la communauté des Yorubas du Nigeria.

A Cuba, les santéristes vénèrent les "orishas", divinités africaines qui ont été progressivement associées aux principaux saints catholiques du pays.

"Je les tiens au même niveau", explique Marcelo Zulueta, qui dit "donner la même importance aux religions catholique et afro-cubaine".

La Vierge de Regla est "Yemaya", déesse de la mer et de la fécondité, alors que la Vierge de la Charité, sainte patronne de Cuba, est "Ochun", déesse des fleuves et Saint Lazare "Babalu Aye", protecteur des malades.

Les adeptes sont traditionnellement des descendants d’ancêtres africains, mais la santeria compte de plus en plus de blancs.

Selon les préceptes du culte santeriste, les novices suivent une stricte d’initiation d’un an.

Pendant cette période, ils doivent en permanence être vêtus de blanc de la tête aux pieds et sont soumis à divers interdits. Ils n’ont par exemple absolument pas le droit de toucher quiconque, ce qui exclut évidemment toute relation intime.

Chaque santeriste dispose à son domicile d’un autel consacré à sa divinité favorite, et contrairement aux Chrétiens, réclame à ses divinités ou saints des interventions immédiates.

Ainsi lorsque surgit une difficulté, le santeriste consulte son "parrain" ou sa "marraine" d’initiation, qui lui donne une procédure à respecter. La plupart du temps, elle implique le sacrifice d’une poule, d’une colombe ou d’un chevreau.

Chaque rituel est différent, qu’il s’agisse de récupérer un amour perdu, de retrouver un emploi, d’échapper à la maladie ou de nuire à un ennemi.

Après la révolution de 1959, Fidel Castro décréta l’athéisme officiel sur l’île, déclenchant une vague de répression contre catholiques et santeristes.

A cette époque, il fallait "cacher les saints. S’ils t’attrapaient, ils te sanctionnaient et tu pouvais perdre ton travail", raconte M. Perez.

Mais en 1992, Cuba retrouva son statut laïque, amorçant une détente qui déboucha en 2012 sur l’interdiction de toute discrimination pour des motifs religieux.

"Pourquoi devrions-nous cacher ce que nous ressentons si cela vient de nos ancêtres ? C’est vieux de plusieurs siècles, personne ne peut le faire cesser", clame Nancy Ferrer, rencontrée en marge d’une cérémonie.


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