MosaikHub Magazine

Black-out éternel pour le chanteur Eric Charles

vendredi 26 février 2016

Black-out était le titre de son plus grand hit. Le chanteur Eric Charles est entré ce jeudi au paradis des musiciens, tout auréolé de la gloire qu’il a eue avec Mizik Mizik et les nombreux groupes konpa auxquels il avait prêté sa voix.

« Oui, Éric est mort », soupire Jean-Robert Charles, son frère aîné, en sanglots, dans l’allée menant à la salle d’urgence de l’Hôpital Bernard Mevs. Téléphone hurlant à portée de main, il reçoit des appels, il explique et détaille, sous les yeux de deux préposés à l’entretien du centre hospitalier, éberlués. « Éric se portait bien. Mercredi après-midi, il était tout près de chez moi, blaguant avec des amis », se remémore Jean-Robert. Victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) dans la nuit du 24 au 25 février et transporté en catastrophe à l’Hôpital Bernard Mevs, Éric, chanteur mythique de Mizik Mizik, ne s’en est pas remis. Fabrice Rouzier, Keke Bélizaire, ses frères musiciens, ses collègues de toujours, qui avaient accouru à son chevet, sont partis sans mot. En larmes. Vers 8 heures du matin, à Port-au-Prince, des internautes avaient tué Éric Charles avant l’heure. La rumeur a eu l’effet d’un tourbillon sur les réseaux sociaux. L’interprète de « Blakawout » se battait pourtant encore contre la mort. Placé sous respiration artificielle durant des heures, son cœur ne battait presque plus. Après discussions avec les médecins, on a décidé de débrancher l’appareil qui le tenait encore en vie, détaille son grand frère, la respiration saccadée. Eric Charles, qui a fait les beaux jours de la musique haïtienne, a fait le voyage vers 9 heures 40. Personne ne le voyait partir si tôt. Personne ne s’y attendait. « Chacun a son jour. Ainsi va la vie ! », souffle Jean-Robert, presque fataliste. Il y avait Éric Charles le chanteur, incontournable, imprévisible, que toute la nomenklatura du « compas » affublera de toutes les épithètes dans les prochains jours. Il y avait Éric Charles mécène, qui a montré la voie à beaucoup de jeunes talents. Mais aussi et surtout il y avait l’autre Éric, celui qu’on ne voyait pas, qu’on n’apercevait pas : l’humanitaire. À l’avenue Martin Luther King, là où il a grandi, il était surtout connu et respecté sous cette casquette. Presque en face de l’ancien immeuble de Voilà, Pierre-Richard Charles, son petit frère, assis sur le toit de la petite maison familiale avec d’autres voisins, évoque Éric. « Ce qui m’a toujours étonné chez lui, c’est son humilité, son attachement à ses sources », dit-il, les yeux rougis, la voix couverte par les klaxons lancinants des voitures. La tête baissée, Pierre-Richard parle de l’image d’un chanteur qui tranchait avec le monde du showbiz, d’un chanteur atypique qui venait souvent en aide aux plus pauvres dans le plus parfait anonymat. « Il aimait son quartier, il aimait les gens. Chaque fête de fin d’année, chaque période de Pâques, il avait l’habitude de distribuer des vêtements, des kits alimentaires aux enfants de la zone. » Éric Charles ne faisait pas tout ça en tant qu’Éric Charles. Il s’y aventurait sous le chapeau de la FEED (Fondation Eric pour enfants démunis) qu’il a créée dans la foulée du séisme dévastateur de janvier 2010. « Il a beaucoup aidé dans les mois ayant suivi le cataclysme ». Éric Charles s’est toujours complu à agir, faire du social dans l’ombre, au sens propre comme au sens figuré. Ses journées commençaient généralement à Nazon et s’y achevaient. Et puis, après, comme si le social était classiquement le pont qui mène à la politique sur cette portion d’île, il y avait, après tout, Éric Charles candidat malheureux à la mairie de Delmas. Son petit frère vous dira que ce sont des associations de jeunes qui lui ont demandé de se porter candidat. Éric Charles, intimement lié à Mizik Mizik durant des années, dont les chansons ont bercé pas mal de générations, n’est plus. Un déluge d’hommages déferlent déjà sur la Toile. « Je salue le départ pour l’au-delà de mon frère musicien Eric Charles. Mes sympathies à la famille et au secteur de la musique haïtienne, particulièrement au groupe Mizik Mizik », écrit l’ancien président, le chanteur de Sweet Micky, Michel Martelly, sur sa page Facebook. Fabrice Rouzier, maestro de Mizik Mizik, qui a su côtoyer le chanteur aux premières loges, assimile son départ à un « vide impossible à combler ». Bernier Sylvain, animateur de compas, ancien directeur de la télévision d’État, parle d’ « une grande perte pour la musique haïtienne ». Sur Facebook, Frantz Duval, redacteur en chef du Nouvelliste et directeur de Ticket magazine, a posté cette simple épitaphe : "Avec tout mon respect et mon admiration. R.I.P Eric Charles" Les chansons d’Érick tourbillonnent déjà sur les ondes. Sa voix enveloppe la ville. Dans toutes les contrées, une chanson semble déjà remporter la palme : Érick Charles fut un grand chanteur… Nos condoléances à sa femme, à ses quatre filles, à sa famille, ses amis musiciens et à tous ses fans. Au paradis, Eric Charles fredonne sans doute Black-out.
Juno Jean Baptiste
jjeanbaptiste@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie