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Au sommet de Panama, Barack Obama rencontrera une Amérique latine divisée

lundi 6 avril 2015


Grâce à l’accord-cadre avec l’Iran et au rapprochement avec Cuba, Barack Obama arrive en position de force au septième Sommet des Amériques, les 10 et 11 avril au Panama, une de ces grand-messes diplomatiques dont raffolent les dirigeants de la planète. Le président des Etats-Unis a repris la main sur la politique étrangère, même si le Congrès de Washington s’évertue à lui mettre des bâtons dans les roues. En revanche, les présidents d’Amérique latine, qu’ils soient quémandeurs ou contempteurs, arrivent en ordre dispersé, malgré l’unanimité de façade dont ils se targuent dans des instances régionales - des sommets de moindre envergure - qui peinent à laisser des traces.

Le clou du spectacle médiatique, au Panama, est réservé à la première rencontre officielle entre Barack Obama et son homologue cubain, Raul Castro. Il ne s’agira plus, comme aux funérailles de Nelson Mandela, en décembre 2013, d’une poignée de main furtive (mais devant les caméras). Pour la première fois, les chefs d’Etat des deux voisins brouillés depuis un demi-siècle auront pris le temps de se parler et d’évoquer les négociations en vue du rétablissement de leurs relations diplomatiques. La guerre froide tropicale est révolue.

Tous les Latino-Américains présents au sommet de Panama vont célébrer ces retrouvailles comme s’ils étaient de la fête. Certes, l’Amérique latine réclame à l’unisson, depuis des années, la réintégration de Cuba aux instances régionales, comme l’Organisation des États américains (OEA), prête à accueillir à nouveau les représentants de La Havane, qui maintenant se font prier. Mais le seul Sud-Américain qui peut légitimement prétendre avoir favorisé le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba est François, le pape argentin. Si le Vatican reste un médiateur apprécié, la diplomatie latino-américaine, elle, est en pleine déliquescence.

Diplomates brésiliens dégoûtés

Le principal outil diplomatique de la région, celui du Brésil, a été réduit à néant par la présidente Dilma Rousseff. Outre son manque d’intérêt et son mépris à l’égard de la politique étrangère, son orientation erratique a amené Brasilia à ménager ou à s’aligner sur Moscou, sur l’Ukraine et la Syrie, et à se laver les mains des problèmes régionaux, que ce soient les disputes entre ses voisins argentins et uruguayens ou les entorses à l’Etat de droit au Venezuela. Le Brésil ne respecte plus ses obligations financières auprès des organisations internationales et ne paie plus les factures de ses ambassades. Ses diplomates sont dégoûtés, si ce n’est révoltés. Le géant d’Amérique du Sud sera en position de faiblesse au Panama à cause aussi d’une économie en berne et d’une politique à bout de souffle. Lors de son tête-à-tête avec Barack Obama, Dilma Rousseff tentera de recoller les morceaux et de fixer, enfin, la date du voyage d’Etat prévu depuis longtemps à Washington. Un petit succès, ne serait-ce que d’annonce, permettrait de redorer son image, qui semble avoir touché le fond.

Le Mexique fait des efforts discrets pour relancer sa diplomatie, à travers la participation, pour la première fois, à des forces des Nations unies en Haïti ou au Sahara, malgré une tradition de non-intervention un peu étriquée. L’adhésion à l’Organisation internationale de la francophonie devrait permettre aux Mexicains d’élargir leurs relations diplomatiques. Toutefois, l’élan réformateur du président Enrique Peña Nieto est compromis par la persistante crise de sécurité, malgré les succès remportés contre le trafic de drogue.

Résignés à un rang modeste

En Argentine, les velléités diplomatiques ont sombré dans les décombres du Mercosur (l’union douanière sud-américaine), l’obsession des Malouines, les complaisances avec Téhéran et Moscou. La succession non résolue de la présidente Cristina Kirchner accroît l’incertitude. La Colombie est tout entière accaparée par le règlement de son conflit armé intérieur. D’autres acteurs, comme le Chili, l’Uruguay ou le Pérou, qui pourraient jouer un rôle, se sont trop résignés à un rang modeste. Ensuite, il y a ceux, comme le Venezuela et ses alliés, pour qui le simple mot de diplomatie semble inapproprié, tant la politique étrangère est pour eux un exutoire occasionnel, quand cela ne se limite à la désignation d’un bouc émissaire : les Etats-Unis, la plupart du temps. Or, l’antiaméricanisme, véritable réflexe pavlovien, ne correspond guère aux sentiments des populations, qui demandent davantage de rapprochement à l’égard des Américains. L’attente des Cubains, après l’annonce conjointe de Barack Obama et Raul Castro, le 17 décembre 2014, en est bien la preuve, puisqu’elle contredit des décennies de propagande négative.

Du Nord au Sud des Amériques, des forces centrifuges empêchent toute intégration régionale et freinent y compris l’intégration physique entre les pays. L’Alliance du Pacifique regroupe des nations qui ne se résignent pas au déclin du Mercosur après avoir assisté à la mort de la Communauté andine, tandis que l’Amérique centrale et les Caraïbes poursuivent leur propre chemin. Un programme éducatif du type Erasmus ? Cela relève de l’utopie dans une région gavée de rhétorique, qui se contente de mots alors que les images façonnent les esprits. L’Amérique latine, quel numéro de téléphone ?


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