MosaikHub Magazine

Au pied du mur ! ’’’’’

vendredi 29 août 2014

L’Europe du Sud vit toujours dans la hantise du séisme financier. Elle reste suspendue aux soins intensifs de mini ou maxi-sommets. Alors, face à leur enjeu considérable, le timide appareillage de la gauche au pouvoir de même qu’à droite les aigreurs de la défaite ne font encore qu’amuser le tapis. Elles s’enfoncent dans l’été comme la tête de l’autruche dans le sable des plages.

Oublions le proverbe arabe - "Dieu nous préserve... de ce qui va arriver !" - et voyons que la gauche et la droite sont ou seront remuées, malaxées par la crise et sa révélation de l’état de la France. C’est dans son miroir qu’elles doivent se regarder.

La gauche sort illuminée et vaguement effarée par le pouvoir que la moitié des Français viennent de lui confier. Pour la première fois depuis la guerre, elle a tous les rouages en main : l’Élysée, l’Assemblée nationale, le Sénat, la plupart des grandes villes et le gros des syndicats. Elle ne sortira de cette exclusive responsabilité historique que glorieuse ou ratatinée.

Ruse de l’Histoire ! La voici condamnée à porter le fer dans le fruit de ses propres chimères : surcharge de l’État, outrance de la fiscalité, assistanat social, dévoyé et intenable. On imagine Hollande méditant, en son for intérieur, les vivats dont ses électeurs saluent encore ses promesses électorales. Et comme jadis Daladier, murmurer : "Ah, les cons..." Car il n’ignore pas, lui, ce qui les attend.

D’abord, sous la pression des marchés, et sous l’aiguillon allemand, il doit s’engager vers une intégration budgétaire et politique de l’Europe tout en sachant que l’harmonisation préalable écorchera ceux que la berceuse électorale a endormis et ceux qui refusent l’euro et l’Europe. Soit déjà beaucoup de monde ! Dans les sommets, on devine du mou dans la cordée : Hollande proclame son amour de l’Europe, mais Berlin veut des preuves d’amour. Ambiance !

Or, chez nous, Hollande, comme Hercule, devra nettoyer des écuries mythologiques. Celles de l’État français sont enfouies sous trente ans d’incurie par la dette, la désindustrialisation et une compétitivité altérée par les 35 heures et le boulet d’un coût excessif du travail.

Le mal encrasse l’assistanat de notre fameux "modèle social". L’alliance de l’étatisme et du corporatisme prospère dans l’idéologie rampante du "toujours plus". Une religiosité de gauche a, peu à peu, envahi la Nation, l’intelligentsia, l’enseignement, les syndicats... Elle tient les réformes des social-démocraties elles-mêmes - allemande ou suédoise - pour des atteintes insupportables au "progrès républicain". La France de jadis eut, pour servir son vice, l’inflation et l’emprunt : deux portes désormais verrouillées. La totalité des pouvoirs de l’État sont acquis à la gauche. Il lui reste à accepter la vérité, l’adversité et le courage.

Le mouvement général en Europe de "droitisation" devant la crise éprouve et déconcerte la droite. Car, sous les compas européen et atlantique, la droite de Chirac, Juppé, Fillon, Raffarin garde un fond social-démocrate. Le coeur de l’"exception française" - dit-on à Londres ou Berlin -, c’est que "la droite française est à gauche". Et qu’elle a fait sien, bon gré mal gré, le modèle socialisant et archaïque qui plombe aujourd’hui le pays. Chez elle, le "logiciel" jacobin, étatiste, bonapartiste, gaullien a, comme à gauche, relayé, au fil des siècles, l’héritage des Lumières et de la Révolution. Il a étouffé le courant libéral qui fleurit dans toutes les droites européennes. Cette singularité française, autant culturelle que politique, demeure.

Il reste qu’en son sein le nouvel élan droitier la travaille. Il jouxte ou tamponne un Front national délivré, en surface, par Marine Le Pen de ses piquants xénophobes et vénéneux. Pour s’en distinguer, il suffit pourtant que la droite de gouvernement rappelle qu’elle veut l’euro et que le FN n’en veut pas. Qu’elle veut une Nation ouverte et refuse le nationalisme cadenassé du Front national. Tout se décline de cette séparation capitale.

Ce qui en obscurcit la clarté, c’est que la droite a laissé, par faiblesse, au Front national le soin de comprendre et d’exploiter les inquiétudes populaires nées de l’immigration. Et que, comme la gauche, la droite élitaire n’a pas affronté les interrogations légitimes du peuple sur le devenir de la Nation. Elle a écarté, comme "populiste", l’inquiétude populaire de voir des communautés minoritaires résister à la communauté nationale. Or la Nation redevient une idée neuve quand les aspirations au fédéralisme européen ébranlent ses séculaires assises. Comment établir une Nation qui ne piétine pas le passé et ses racines et garde néanmoins sa vocation à l’universel (1) ? La droite a du temps et quelques bonnes cervelles pour y réfléchir.
L’éditorial

de Claude Imbert


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