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Après le rapport de la Commission consultative, le Premier ministre Laurent Lamothe compte ses appuis au Parlement

jeudi 11 décembre 2014

Le Nouvelliste | Publié le : 10 décembre 2014

Plusieurs parlementaires se sont exprimés dans les médias, ce mercredi 10 décembre 2014, pour, d’une part, désavouer les recommandations émises par le rapport de la Commission consultative présidentielle et, d’autre part, apporter leur soutien au Premier ministre Laurent Lamothe à qui ils déconseillent vivement de présenter sa démission.

Le rapport de la Commission consultative, formée par arrêté présidentiel en date du 28 novembre dernier, a provoqué une véritable levée de boucliers au Parlement haïtien. Certains députés et sénateurs, réputés proches du pouvoir exécutif, disent s’inscrire en faux contre les recommandations contenues dans ce rapport. Lesquelles, entre autres, réclament la démission du Premier ministre et de son gouvernement, du Président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et du Conseil électoral provisoire (CEP).

Altès Toussaint, député de la circonscription de Saint-Marc et président du bloc PSP, proche du pouvoir, à la Chambre basse, se dit stupéfait d’entendre les conclusions du rapport de la Commission. « Le rapport n’est pas applicable », clame-t-il tout en estimant que la Commission veut se substituer aux autres institutions étatiques.

« C’est totalement irréfléchi de demander la démission du Premier ministre et du président du CSPJ en 6 jours […] Ces décisions ne sauraient être prises à la va-vite », a martelé Fritz Chéry, député de la circonscription de Gros-Morne, qui qualifie ce rapport « d’irresponsable et d’utopique » le délai fixé par la commission pour l’application de ces recommandations.

Pour le sénateur Wencesclass Lambert, ce rapport est un « non-sens ». L’élu du Sud-Est estime que le président Martelly n’a pas abordé la crise avec sagacité, avec la responsabilité républicaine qu’elle requiert. « En tant que président de la République, le peuple vous donne un mandat pour que c’est vous qui avez le dernier mot et non un groupe de citoyens qui n’a aucune légitimité populaire », a rappelé le sénateur Lambert qui reconnaît que « le Président de la République a été mal conseillé, sinon il aurait pris le chemin du dialogue institutionnel. »

« Le rapport engage uniquement la présidence comme institution », a-t-il déclaré. Selon lui, le président a commis une erreur en nommant cette commission, donc il revient au pouvoir législatif de réparer cette erreur. « Désormais, c’est le Parlement qui a le contrôle du Premier ministre », a tonné l’emphatique sénateur Wencesclass Lambert. Un Parlement, comme le souligne Jean Willy Jean-Baptiste, sénateur de l’Artibonite, qui n’a pas été impliqué, ni de près ni de loin, dans la formation de la Commission.

« Le Parlement n’est aucunement tenu d’appliquer les recommandations du rapport de cette Commission dont il ne reconnaît pas l’existence. Le rapport ne veut rien dire pour nous », a affirmé calmement le sénateur Jean-Baptiste, précisant au passage que sa position est également celle du G5 au Sénat dont il est l’un des membres.

« Le rapport consacre la caducité du Parlement et signifie au président qu’il n’est plus nécessaire qu’il se rende devant l’Assemblée nationale pour l’exposé général de la situation. Or, ce même rapport demande au président de nous convoquer à l’extraordinaire », a déclaré le député Fritz Chéry qui n’a pas caché sa perplexité, car, dit-il, selon la Constitution, le président peut convoquer la Chambre basse à l’extraordinaire uniquement pour voter le budget de la République.

Tout en pointant du doigt l’impossibilité pour le Parlement de ratifier le choix d’un Premier ministre et d’approuver sa politique générale, en seulement 6 jours, comme le prévoit la Commission, Fritz Chéry entend faire passer l’intérêt de sa circonscription d’abord. « Une déclaration de politique générale ne saurait être votée comme une loi d’urgence […] », a-t-il dit.

Les parlementaires solidaires à Laurent Lamothe

« Le départ du Premier ministre Lamothe ne résoudra en rien le problème politique qui est beaucoup plus profond et qui exige un dialogue institutionnel. Cette crise est éminemment politique », a fait savoir le sénateur Wencesclass Lambert. Selon lui, cette crise résulte de la politique de la chaise vide adoptée par le Groupe des 6 au Sénat qui a préféré bouder les séances du vote de l’amendement de la loi électorale.
Même son de cloche du côté du sénateur Willy Jean-Baptiste qui a informé que « bien que le Groupe des 6 n’ait pas signé le rapport de la retraite du Club Indigo, il est d’accord avec nous pour désavouer la Commission ainsi que son rapport ». Et le G5, de son côté, est prêt, selon Wencesclass Lambert, le chef de file de ce bloc au Sénat, à faire une concession en vue du déblocage de la situation. « Le G5 s’aligne sur la position du Groupe des 6 qui réclame la formation d’un nouveau CEP à partir de l’article 289 de la Constitution. Nous appuyons l’application de cet article en esprit seulement, pas dans la forme », a fait savoir le sénateur Lambert.

Pour ces parlementaires, il n’est pas question non plus que le Premier ministre Lamothe présente sa démission au chef de l’Etat. Ce, contre toute attente, dans l’intérêt même du président Michel Martelly. « La démission du Premier ministre entraînera le départ du président Martelly. Le Premier ministre ne doit pas donner sa démission, il doit, de préférence, promouvoir le dialogue institutionnel duquel découlera la solution à la crise », préconise le sénateur Wencesclass Lambert.

Les yeux rivés sur la décision du président Martelly

« En mettant sur pied cette Commission, le président Martelly a dévoilé au grand jour son incapacité pour résoudre la crise », a fait remarquer le sénateur de l’Artibonite. « La Commission dans son rapport a émis des recommandations, mais cela ne veut pas dire que le président est tenu de les appliquer », a déclaré Dérex Pierre-Louis, sénateur du Nord-Est, qui dit attendre de pied ferme la position du président Martelly ainsi qu’une convocation de ce dernier pour qu’ils s’asseyent ensemble dans la perspective d’un dénouement à cette crise.
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« On ne saurait confier la destinée du pays à un seul élu [le Président de la République], car le rapport clame le départ du Premier ministre, du Parlement, du président du CSPJ, du CEP. C’est dangereux et ce sera néfaste pour le pays », a déclaré Andris Riché, sénateur de la Grand’Anse et vice-président du Sénat, dans une sortie modérée. Le vice-coordonnateur du parti politique OPL propose le rapatriement par les trois pouvoirs des recommandations du rapport de la Commission pour application.

Quoi qu’il en soit, comme l’a si bien fait remarquer ces différents parlementaires, c’est le président Martelly qui saura quelle suite donnée à ces recommandations.

AUTEUR

Patrick SAINT-PRE

sppatrick@lenouvelliste.com


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