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À Odessa, des homosexuels agressés avec des grenades fumigènes

samedi 15 août 2015

Des homosexuels ont été la cible de grenades fumigènes et d’autres agressions samedi à Odessa alors que la Gay Pride vient d’y être interdite.

Des hommes encagoulés mais n’affichant aucun emblème politique ont fait irruption dans la salle où une conférence des communautés homosexuelle, bi et transsexuelle (LGBT) était prévue samedi, a raconté à le porte-parole de la Gay Pride d’Odessa Kyrylo Bodelan. "Ils ont jeté plusieurs grenades sur les participants avant de s’enfuir. Personne n’a été blessé", a-t-il ajouté. Si aucun mouvement n’a pour le moment revendiqué la responsabilité de cet incident, Kyrylo Bodelan l’a qualifié de "provocation visant à faire échouer" un festival des LGBT dont le point d’orgue devait être la Gay Pride initialement programmée pour samedi dans cette ville, réputée pour son ambiance décontractée.

Mais un tribunal local a interdit jeudi le défilé après avoir été saisi par le conseil municipal, qui a dit craindre des violences. Après cette interdiction, les organisateurs ont d’abord déclaré qu’ils allaient tout de même défiler dans des rues d’Odessa, puis, dans un deuxième temps, qu’ils renonçaient à cette manifestation. "La décision du tribunal est illégale, elle viole notre droit constitutionnel de rassemblement", a dénoncé M. Bodelan. Finalement, une poignée de militants ont manifesté samedi pour l’égalité des droits en ordre dispersé à proximité de la mairie, sur un boulevard rempli de passants qui leur ont lancé des regards réprobateurs, voire les ont parfois agressés.

"Pervertit notre nation"

Une vieille dame s’est ainsi ruée sur un manifestant, tentant d’arracher de ses mains la pancarte sur laquelle on pouvait lire "La dignité n’a pas de couleurs". "Je ne veux pas de tels (types) dans notre ville", s’est-elle exclamée avant d’être éloignée par des policiers. Interrogé par l’AFP, ce militant, Igor Zakhartchenko, a avoué être "régulièrement" confronté à des agressions. Pour lui, il est trop tôt pour organiser des défilés LGBT en Ukraine mais un effort doit être fait pour rendre la société plus tolérante.

"Si on ne fait rien, ce sera comme en Russie", a ajouté cet homme dans sa trentaine, les homosexuels de ce pays voisin subissant un nombre croissant de violences, souvent tolérées voire encouragées par les autorités, selon l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch. A côté d’Igor, deux habitantes d’Odessa âgées d’une quarantaine d’années dévisageaient les manifestants d’un air désapprobateur. Les autorités "ont bien fait d’interdire" le défilé l’une d’elles, Svitlana. "Cela pervertit notre nation", a-t-elle martelé, avant de qualifier l’homosexualité de "déviation psychique, comme la toxicomanie et l’alcoolisme".

Un projet de Gay Pride qui ne passe pas

Le projet de Gay Pride à Odessa avait été mal accueilli notamment par le mouvement ultranationaliste Pravy Sektor, qui avait déjà attaqué le précédent défilé en juin à Kiev, incident qui avait fait une dizaine de blessés. Pravy Sektor avait été très actif pendant la contestation proeuropéenne du Maïdan et participe actuellement aux combats contre la rébellion séparatiste dans l’est de l’Ukraine. "Nous n’allons pas battre les gays, mais la marche n’aura pas lieu", a prévenu cette semaine le chef de file de Pravy Sektor à Odessa, Sergui Sternenko. L’homosexualité, qui était punie par la loi en URSS, reste très stigmatisée en Ukraine, une ex-république soviétique où l’Église orthodoxe a une forte influence.

La première Gay Pride dans l’histoire de l’Ukraine indépendante avait eu lieu en 2013, réunissant près de cent personnes à Kiev. L’année suivante, elle avait été annulée, la police ayant refusé d’en assurer la sécurité. Cette année, le président pro-occidental Petro Porochenko, un fidèle orthodoxe, a exprimé son soutien à la "marche de l’égalité", ajoutant toutefois qu’il ne souhaitait pas y participer. "Odessa est une ville libérale et multiculturelle et à l’avenir les Gay Prides y auront bien lieu", a déclaré Maria Gaïdar, opposante russe devenue récemment adjointe au gouverneur régional, l’ex-président géorgien Mikheïl Saakachvili..


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