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Veto russe à l’ONU sur le renouvellement de l’enquête sur l’usage d’armes chimiques en Syrie

jeudi 26 octobre 2017

Des experts, spécialement mandatés par le Conseil de sécurité, doivent remettre jeudi leurs conclusions sur les responsabilités dans l’attaque au gaz sarin de Khan Cheikhoun

En bientôt sept ans de conflit, la création en août 2015 du Joint Investigative Mechanism (JIM) ou mécanisme d’enquête conjoint de l’ONU et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), avait été l’un des rares acquis en termes de coopération internationale sur le dossier syrien. Mais son avenir s’est quelque peu obscurci, mardi 24 octobre, à la suite du veto de Moscou – le neuvième sur le dossier syrien depuis 2011 – à une résolution renouvelant pour un an le mandat de ses experts chargés de recueillir les preuves et d’identifier les auteurs des attaques chimiques en Syrie. Considérées comme des crimes de guerre aux termes du droit international, celles-ci pourraient, de ce fait, ne jamais être jugées.
L’enjeu de la réunion dépassait le simple cadre du renouvellement du JIM, dont le mandat arrive officiellement à expiration le 17 novembre. A quarante-huit heures de la publication, jeudi 26 octobre, de son rapport, spécialement mandaté par le Conseil de sécurité, sur l’attaque de Khan Cheikhoun, le 4 avril, Washington et Moscou s’affrontaient sur le terrain politique.
« Méthodes risibles »
L’offensive au gaz sarin, qui avait fait 83 morts dont une trentaine d’enfants, avait suscité une très vive condamnation internationale et conduit Washington à mener en représailles des frappes ciblées contre un aéroport militaire syrien. Moscou et Damas avaient imputé l’attaque au bombardement accidentel d’un entrepôt tenu par les rebelles et dans lequel aurait été entreposé le gaz neurotoxique.
Embarrassée, la Russie avait toutefois laissé entendre que si le rapport établissait la culpabilité de son allié syrien, elle s’opposerait au renouvellement du mandat de la mission du JIM. Une menace qui a conduit la représentante américaine Nikki Haley à précipiter un vote, reprochant aux Russes de chercher à « politiser » la reconduction d’une mission « indépendante et purement technique ».
« La Russie a démontré une fois de plus qu’elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que le régime barbare de [Bachar] Al-Assad ne subira jamais les conséquences de son utilisation continue d’armes chimiques », a réagi dans un communiqué l’Américaine après le veto russe. Et d’ajouter : « La Russie se rallie une nouvelle fois aux dictateurs et aux terroristes qui utilisent ces armes. »
Vassili Nebenzya, le représentant de Moscou, qui a tenté en vain d’ajourner le vote au 7 novembre, a reproché aux Etats-Unis et à ses alliés de « vouloir montrer du doigt et déshonorer » Moscou alors que les méthodes du JIM et le manque de preuves sur l’attaque de Khan Cheikhoun, selon lui, « sont risibles ».
« Pas notre dernier mot »
Pour des raisons de sécurité et parce qu’ils n’ont jamais reçu l’autorisation de Damas, les membres de la mission d’enquête conjointe n’ont pas pu se rendre sur place. Mais ils ont interviewé des témoins et analysé des images vidéo et des échantillons recueillis par des tiers. Les services de renseignement français, américains et britanniques avaient déjà conclu à la responsabilité des forces aériennes de Bachar Al-Assad. De même que, en septembre, la commission d’enquête des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Syrie basée à Genève.
En août 2016, le JIM avait par ailleurs conclu à la responsabilité du régime syrien dans deux attaques au chlore commises dans la province d’Idlib et accusé l’organisation Etat islamique d’un bombardement au gaz moutarde dans la région d’Alep. A l’époque, la Russie avait déjà rejeté les conclusions des experts.
« Ce veto ne peut pas être notre dernier mot, a plaidé l’ambassadeur français François Delattre. Les régimes internationaux de non-prolifération sont l’un des acquis principaux des dernières décennies. (…) Ne laissons pas des différends politiques, ou pire, des calculs tactiques à court terme, risquer de fragiliser ces régimes. »
Moscou, qui n’a pas exclu de renégocier le mandat du JIM après la remise du rapport sur Khan Cheikhoun et avant l’expiration de son mandat mi-novembre, pourrait vouloir ajouter des amendements pour l’affaiblir, estiment des diplomates proches du dossier : « Il faudra étudier leurs demandes mais ce ne sera pas le JIM à tout prix. »


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