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Système éducatif haïtien : « Il faut arrêter ce cinéma », selon Jacky Lumarque

mardi 6 septembre 2016

Le recteur de l’Université Quisqueya a passé au peigne fin le système éducatif haïtien, à l’occasion de la rentrée des classes. Selon son diagnostic, il appert que l’école haïtienne est confrontée à un double problème d’accessibilité et de qualité. Il était l’invité de Roberson Alphonse à l’émission « Dèyè Kay » sur Télé 20.

Ce lundi marque l’ouverture de l’année académique. Certains élèves ont fait leurs premiers pas, tandis que d’autres ne font que continuer ce long périple à travers lequel ils dessinent l’avenir. A la sueur de leur savoir. Entre-temps, le système éducatif est quasi morose avec une qualité de l’enseignement qui n’est pas nécessairement au rendez-vous. Un système qui a été passé au crible ce lundi par le professeur Jacky Lumarque, lors de son passage à l’émission « Dèyè Kay » sur la chaîne 20. Parlant de l’éducation en Haïti, le recteur de l’Université Quisqueya exprime un sentiment de tristesse. Il déplore que l’industrie scolaire, qu’il pense être la plus grande au niveau national, soit malheureusement laissée-pour-compte. « Près de quatre millions d’enfants fréquentent l’école chaque année. Cela mobilise près d’un milliard de dollars », analyse-t-il.

Le professeur désigne deux défis auxquels est confrontée la chaîne de l’éducation en Haïti : l’accès et la qualité. Selon lui, il est moralement inacceptable qu’un enfant en âge scolaire n’a d’autre choix que de rester à la maison. Le PSUGO n’a rien changé mais a causé plus de dégâts. Seulement au premier cycle, les frais scolaires de près de 80 % des enfants proviennent des parents. Alors que cette formation, selon la Constitution, est gratuite. « Haïti est le seul pays de l’Amérique où l’État ne peut pas assurer la scolarité », balance-t-il.

Jacky Lumarque souligne les angoisses qui accompagnent la rentrée scolaire qui pourtant devrait être un moment de fête parce que cette industrie va renaître après deux mois d’hibernation. « Septembre est un mois d’angoisse pour les parents qui ont du mal à joindre les deux bouts. En plus de l’écolage, ils se donnent également du souci pour le loyer », fait-il remarquer, invitant toute la société haïtienne à engager des réflexions pour résoudre la nébuleuse de l’accès à l’éducation.

En ce qui concerne la qualité, Jacky Lumarque décrit un tableau encore sombre. « Après 8 ans de scolarité, l’écolier ne maîtrise pas les techniques de base de calcul, de lecture, d’écriture. L’apprentissage se fait dans une langue que l’élève et le professeur ne maitrisent pas. Après 13 années de scolarité, un bachelier ne peut même pas passer un test de lecture sans bégayer. Il souffre d’un déficit en termes de raisonnement logique », détaille-t-il, avec la précision chirurgicale qu’on lui connaît.

Plus loin, le recteur Lumarque se dit choqué de la gouvernance de l’Etat haïtien en matière éducative. Il révèle avoir réalisé, après un appel de Michel Martelly, un vaste mouvement national. Celui-ci devait mobiliser toute la communauté sur la question de la qualité ainsi qu’un agenda. « Nous avons organisé, avec le Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), neuf assises dans lesquelles nous avons débattu les déterminants de la qualité. Après quoi, j’ai apporté ces points dans les assises nationales sur la qualité de l’éducation réunissant tous les acteurs nationaux et internationaux », a-t-il expliqué.

De ces discussions ont découlé une feuille de route pour la modernisation de l’enseignement supérieur, un observatoire pour mesurer les indicateurs de qualité, entre autres. « Après les assises, personne ne nous demande de quoi il en est. Même pour publier les actes des assises je n’ai trouvé personne. Ils seront finalement publiés par l’Université Quisqueya », déplore-t-il, se demandant où sont les dirigeants de ce pays.

AUTEUR

Jean Daniel Sénat

jdsenat@lenouvelliste.com


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