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Sécurisation foncière : des paysans de Camp-Perrin ont leur acte d’arpentage

mercredi 13 juillet 2016

La sécurisation foncière en milieu rural commence à prendre forme dans la commune de Camp-Perrin, dans le Sud d’Haïti. Si au départ des paysans s’étaient montrés réticents à collaborer avec les enquêteurs, pensant que l’Etat voulait s’emparer de leurs terres, ils ont finalement salué l’initiative.

Du haut de ses 88 ans, Paul Ozias Piard a fait le déplacement pour récupérer ses procès-verbaux d’arpentage samedi dernier. Tremblotant, cet octogénaire fait partie des 100 premiers propriétaires de la commune de Camp-Perrin, région pilote pour l’exécution du projet de sécurisation foncière et cadastre élaboré par le Comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT), créé par la loi du 19 mars 2009. Paul Ozias Piard a certes été secoué par des maladies, mais il n’a pas pour autant perdu sa lucidité. Il avait déclaré ses titres de propriété aux enquêteurs du CIAT. « Les terrains que j’ai achetés appartenaient à mon oncle et à ma tante qui n’avaient pas d’enfants, confie l’octogénaire. C’est nous qui avions assuré leurs funérailles, donc les terrains nous revenaient automatiquement. Chacun de nous avait obtenu 1/25 ha après division. »

Ebéniste retraité depuis une vingtaine d’années, Paul Ozias Piard, père de six enfants, salue l’initiative de l’Etat de doter les propriétaires de titres de propriété fiables. Même si à Rollin – d’une superficie de 63, 48 ha pour 145 parcelles – où se tenait la cérémonie de remise des procès-verbaux, aucun conflit terrien n’a été enregistré. « Nous avions déjà eu nos titres de propriété, toutefois je crois que ces nouveaux papiers vont sécuriser nos terres davantage », indique Paul Ozias Piard. Contrairement à d’autres propriétaires, Paul Ozias Piard souligne qu’il n’était pas réticent à collaborer avec les enquêteurs du CIAT. « Je n’ai pas à avoir peur pour des terrains que j’ai achetés légalement, dit-il. De toute façon, je ne suis plus jeune, je vais mourir bientôt. »

Casquette vissée sur la tête, Jean Joseph Arnold Délinois, 73 ans, se montre, lui, plus gai. Plus enthousiaste également avec ses procès-verbaux d’arpentage tenus fermement dans sa main droite. Sur ses terrains, Jean Joseph Délinois pratique une agriculture de subsistance. Il y cultive souvent du maïs et de l’arachide parfois. « Ça ne nous rapporte pas vraiment grand-chose, dit-il sans détour. S’il ne pleut pas, on perd souvent nos récoltes. Si ça marche, on remercie Dieu. Si ça ne va pas non plus, on l’accepte. Tout dépend de la volonté de Dieu. »

Jean Joseph Délinois détenait, lui aussi, des titres de propriété. Etaient-ils valables ? On ne sait pas. « C’est avec mes titres de propriété que l’on pu me fournir ces nouveaux documents (procès-verbal d’arpentage), fait remarquer le septuagénaire. Je salue les autorités. Je crois que cela va sécuriser davantage nos terres. C’est important pour nous et pour l’Etat aussi. »

Escortée d’une femme, le septuagénaire s’apprête à rentrer chez lui avec ses nouveaux documents. « Je vais les garder précieusement », affirme-t-il. Où les garder ? Sous le matelas de votre lit ? « Non », répond Délinois. Où exactement ? « Dans un endroit sûr à la maison mais pas sous le matelas, ce n’est pas trop sûr avec les travaux de ménage. »

Sous cette grosse bâche où se déroulait la cérémonie de remise des procès-verbaux d’arpentage, des propriétaires discutent avec des arpenteurs à la fin de la cérémonie. Jean Joseph Blanc, dans la soixantaine, se fait un peu de souci. Il ne comprend pas trop. Il veut être sûr que tout va bien pour ses deux parcelles achetées en 1991. Sur l’une, il y a une plantation de manioc et sur l’autre, presque rien. « Seulement trois cocotiers », dit-il.

Beaucoup de propriétaires en âge avancé ne se rappellent quand ils ont acheté leurs terres. Les prix aussi. C’est le cas de Marie Françoise Castor qui était venue retirer, elle aussi, ses procès-verbaux d’arpentage. Sac en bandoulière, Marie Françoise, malgré ses 70 ans, reste une rude travailleuse. Elle pratique l’agriculture sur ses terrains. Elle se rappelle avoir acheté une grande parcelle, mais aucun souvenir de l’année. Sous quel président ?, lui demande-t-on. Elle ne rappelle pas. « Je ne vais pas vous mentir, j’ai oublié, mais cela fait plusieurs années », explique Marie Françoise Castor.

Grâce à l’agriculture, Marie Françoise Castor a élevé seule ses sept enfants. Elle y cultive du maïs et du haricot. Elle en vend une partie au marché et consomme le reste. Les terres, dit-elle, étaient déjà en règle. « J’avais déjà fait arpenter tous mes terrains mais si l’Etat les arpente à nouveau, je crois que c’est une bonne chose, estime Madame Castor. Si j’ai un problème ou après ma mort, mes enfants n’auront pas trop de soucis à se faire pour la division des terres. Je suis certaine que ces nouveaux documents leur faciliteront la tâche. »

Quant à cette dame rencontrée sur ce terrain vague à Rollin, elle prend son mal en patience. A Rollin, 33% des parcelles sont en indivision. Cette quinquagénaire est héritière des terres de ses parents, mais sa sœur ne veut pas entendre parler de division des parcelles. « J’ai ma fille qui est malade en France. Je suis héritière d’un terrain de mes parents, mais à chaque fois que je parle de division des terres avec ma sœur, ça l’agace. »

Valéry Daudier

vdaudier@lenouvelliste.com


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