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Quand Michelle Bennett Duvalier met les points sur les I

jeudi 9 février 2017

LETTRE A LA PREMIÈRE DAME DE LA REPUBLIQUE, MADAME MARTINE MOÏSE

Madame la Première Dame,

Chère Martine,

Comme des milliers de mes concitoyens, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt la cérémonie de la prestation de serment de votre époux.

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter. Vous êtes devenue la Première Dame de la République d’Haiti. Vous êtes notre Première Dame a tous. Sans distinction aucune. La Première Dame de tous les haïtiens vivant à Haiti et à l’étranger et ce, de toutes les tendances politiques, sociales et religieuses.

Chère Martine, il n’y a pas de manuel écrit pour la Première Dame d’Haiti. D’ailleurs, il n’en existe aucun pour la France ou les États-Unis non plus, pour ne citer que ceux-là. À chacune son style et ses choix. Aucune comparaison n’est permise. Chacune est unique. C’est à vous d’agir, selon les priorités choisies, avec votre cœur pour le bien être du peuple haïtien et ce avec l’appui de votre époux qui sera, j’en suis persuadée votre meilleur conseiller et allié.

Vous avez été à ses côtés depuis de nombreuses années pour le meilleur et pour le pire et vous avez toujours été présente tout au long de cette longue et difficile campagne électorale qui a aboutit à sa victoire aux urnes.

Vous n’êtes pas sans savoir que pendant la journée d’hier, vous avez fait l’objet d’attaques odieuses sur votre tenue vestimentaire de la part de certains de nos compatriotes sur les réseaux sociaux. Et je me suis dit : "Ca y est ! Ça recommence !"

Avant de vous raconter quelques anecdotes, je dois vous dire que personnellement je vous ai trouvé parfaite dans votre rôle d’épouse et de Première Dame. Oui Martine, vous n’avez pas failli. Vous étiez à la hauteur et vous avez fait honneur au peuple haïtien à la cérémonie de prestation de serment du Président.

Comme vous, j’ai été Première Dame d’Haiti aux côtés du Président Jean Claude Duvalier de Mai 1980 a Février 1986. J’ai été la femme la plus critiquée par certains de nos concitoyens et par une certaine presse nationale et internationale. Heureusement que internet n’existait pas encore ! J’ai tout entendu et lu sur ma personne et ma vie privée. Souvent, je me demandais si c’était bien de moi qu’on parlait. Les attaques ont commencées presque 2 ans avant notre mariage. Cela a été d’une violence rare ! D’après eux, j’étais trop "mulâtre", d’une famille de Dejoiyistes, de religion anglicane, divorcée avec 2 enfants. À leurs yeux, j’étais trop maigre, et ils disaient même que j’étais la "Ti femm pieds chèches". Pour certains, JCD devait épouser une jeune fille de sa famille politique. Pas mal d’entre eux avaient chacun leur fille à proposer ! Et l’amour dans tout ça ? Allant même à dire que j’ai épousé le Président et non l’homme ! Certaines de mes tenues étaient critiquées également. On m’a reproché à l’époque les dépenses faites pour notre mariage soit disant extravagant ! Entre vous et moi, ma seule participation à la préparation de notre mariage était ma robe de mariée, mon bouquet et ma présence. Ah oui ! J’oubliais ! On m’a quand même demandé la liste des invités de la famille Bennett. Toute l’organisation du mariage a été décidée par mon mari et ses deux sœurs, Marie Denise et Simone qui ont un goût et un savoir-faire exquis. Ils ont critiqué le mariage d’un Président en fonction qui devait recevoir près de 3000 invités et organiser les festivités pour le peuple haïtien et ce dans tout le pays. Quand je vois de nos jours certaines familles dépensent presque autant pour le mariage de leurs enfants. Est-ce-que ça dérange ? Pour vous faire une histoire courte, on m’a même accusé de porter des manteaux de fourrure en Haiti et que je les gardais dans une pièce réfrigérée. Celle là me fait toujours rire d’ailleurs. Pendant les 6 ans que j’ai été Première Dame, je n’ai pris l’avion que 5 fois. La première fois pour une journée en mission spéciale auprès du Premier Ministre Jamaïcain, Édouard Seaga. La deuxième, (3 jours) pour une visite médicale à Miami. La troisième à New York (5 jours) également une visite médicale pour notre fils Nicolas. Et 2 voyages (1 semaine chacun) en Europe. Mais d’après mes détracteurs, je passais mon temps à voyager et à faire du shopping. Je vous fais grâce du reste.

Deux semaines après mon mariage avec JCD, il est arrivé dans notre chambre et m’a trouvé en train de pleurer. Et je lui ai montré le journal qui a l’époque m’avait consacré sa une et un éditorial truffé de faits inexacts et de mensonges sur ma personne. Ce jour là, il m’a expliqué que ce serait ainsi. C’est le milieu de la politique et que ni lui ni moi, ne pouvions rien faire à ce sujet. Mais par contre, j’avais le choix entre ignorer ou continuer à pleurer. Dès le lendemain, j’ai mis ses conseils en application et j’ai ignoré cette presse de bas étage et les rumeurs. Depuis, des qu’on me parle d’un article de presse a mon sujet, avant même de le lire, je demande toujours si ma photo accompagnant le dit article, est jolie. Loool. Je dis toujours : "Never complain ! Never explain !". Je n’ai jamais accordé d’interview à la presse pour justifier quoi que ce soit et ce depuis plus de 31 ans et je m’en porte très bien. Après le décès de JCD en 2014, j’ai décidé de sortir de la réserve que je m’étais imposée et j’ai ouvert une page sur Facebook en Juin 2016. Qui d’autre que moi peut parler de mon histoire ? Cette page accueille toutes les couches sociales, religieuses et toutes les tendances politiques. Elle n’est pas facile, et comme disent les parisiens : "je m’en prends plein la gueule !". Mais j’assume. Certains de nos concitoyens pensent que démocratie et liberté de parole veulent dire insulter et c’est difficile de faire leur éducation sur facebook. Mais je continuerai à défendre la mémoire de Jean Claude Duvalier envers et contre tous et à partager mes souvenirs avec mes concitoyens. J’ai été hacké 2 fois, menacé, harcelé et on m’a même "tué" en Octobre dernier. Mais je dis à mes enfants, qu’à 66 ans maintenant, mes détracteurs devraient se lever plus tôt pour me faire la danse du ventre et qu’on ne boxe pas dans la même catégorie !

Chère Martine, les mêmes qui vous critiquent aujourd’hui vous encenseront demain. Et dans 5 ans, les mêmes encore cracheront dans la soupe ! C’est le vilain jeu de la politique. Quand votre époux, le Président, prendra des décisions importantes et populaires, on lui dira bravo ! Mais si la mesure est impopulaire, on dira que c’est de votre faute. L’important est de bien faire et laisser dire. A Haiti, à part le football, je dis toujours que le sport national est la médisance. Et n’ayons pas honte de le dire, une grande partie de la société Haïtienne est devenue très matérielle et superficielle. Certaines valeurs comme le respect envers son prochain se perdent et c’est bien triste. J’ai d’ailleurs fait mienne cette phrase de Jean Cocteau : "Que l’on parle de moi en bien ou en mal, mais que l’on parle de moi !’".

Madame la Première Dame, je vous souhaite beaucoup de courage dans votre noble et lourde tâche et continuez à représenter notre pays aux côtés de votre époux avec honneur et dignité.

Bonne chance chère Martine.

Michele.

Michele Bennett Duvalier

Paris, France

Le 8 Février 2017


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