MosaikHub Magazine

L’adieu à René Préval

lundi 13 mars 2017

National -
Les funérailles nationales de l’ex-président René Préval ont été chantées au kiosque Occide Jeanty, au Champs de Mars, samedi 11 mars 2017. Plusieurs milliers de personnes, le président Jovenel Moïse et son épouse, des grands commis de l’Etat, quatre ex-chefs d’Etat, quatre anciens Premiers ministres, d’anciens ministres, des grandes figures du milieu des affaires, des amis, pour faire mémoire et supporter la famille éplorée, ont pris part à la cérémonie religieuse présidée par Monseigneur Jean Désinor, assisté, entre-autres, par monseigneur Joseph Lafontant.


Dans son homélie, monseigneur Lafontant, a esquissé les traits de René Préval, « un homme simple, intègre », dévoué au service du pays, de la paysannerie et doté d’une capacité exceptionnelle à rassembler les gens d’horizons diverses. Il « semblait subir les honneurs plutôt que d’en jouir » par peur de la griserie du chef de l’Etat. Il n’aurait certainement pas avalisé l’immense battage médiatique et le flot de sympathies exprimé à son égard. Son effacement et son silence n’ont jamais été de l’indifférence vis-à vis de la chose publique. René Préval a été un serviteur, a insisté monseigneur Lafontant, exprimant un zeste de regret, car le René Préval qui avait refusé d’écrire ses mémoires, prive l’histoire, la postérité « d’un éclairage de première source » face aux critiques.

Certaines critiques contre René Préval sont fondées car aucun homme n’est parfait et ne peut satisfaire son père et tout le monde. Cependant, l’héritage de René Préval, « un authentique patriote » parti sans tambour ni trompette pour l’éternité, est que tous comprennent la nécessité de servir avec droiture, rectitude, motivé par la satisfaction du devoir bien accompli, a souligné monseigneur Joseph Lafontant. « Va en paix, tes œuvres te suivent, nos prière et nos souvenirs t’accompagneront », a indiqué le co-célébrant en remettant à Dieu le soin de juger les 74 années de vie de René Préval sur cette terre.

Le message, l’occasion que fournit le décès du président Préval, est que nous appartenons à un même pays et qu’il faut unir nos forces pour éviter qu’il ne périsse, a soutenu Yolette Etienne, la voix empreinte d’émotions et par moment de sanglot. Le président René Préval n’est pas le fils du tonnerre. Il a un parcours, un parcours qui peut avoir des erreurs, des contrastes, a-t-elle poursuivi, soulignant une consistance dans ce cheminement. René Préval a fait le choix d’un pays où toutes les personnes sont traitées avec égalité, où les paysannes, les paysans sont des acteurs dans le développement, a dit Yolette Etienne qui rappelle que René Préval qui avait monté une boulangerie, avait travaillé avec des organisations partageant des tendances de gauche. Il était entré dans la mouvance lavalas aux cotés de Jean Bertrand Aristide. René Préval a mis sur pied Koze Pep afin de soutenir la cause des paysans, a-t-elle poursuivi Yolette Etienne. La jeunesse, en déroute dans un pays en crise, a besoin d’apprendre à écouter, à s’écouter l’un l’autre, a indiqué Yolette Etienne, appelant à une longue marche pour reconstruire ce pays.

« La mort subite du président Préval est un coup dur pour les paysans », a indiqué Charles Suffrard dans un hommage au défunt pour son combat pour l’intégration de la paysannerie. Politiquement, il y a eu des avancées mais économiquement, la paysannerie reste faible, a dit le leader de Koze Pep entouré d’autres camarades politiques de René Préval comme Paul Antoine Bien-Aimé, René Monplaisir et Dimitri Vorbe.

Robert Manuel, l’ami, le compagnon politique de René Préval, « un citoyen président avec ses ombres et ses lumières », a imaginé un dialogue au cours d’une marche avec le défunt. Les vertus de l’écoute de soi, de l’autre, la marche, la grande marche, l’action pour se prendre en main, revient. « Toi qui marche, il n’y a pas de chemin. Ce sont vos pas qui traceront le chemin », indiqué Robert Manuel qui invite à l’introspection, à l’écoute des pas de Ti René qui trace le chemin, son chemin, pour inviter tous à la marche, à la longue marche, a poursuivi Robert Manuel qui a partagé l’expérience de sa rencontre avec Jésus avec René Préval, son ami depuis 43 ans. « Il était un serviteur sincère qui n’était pas un m’as-tu-vu, qui croyait dans le dialogue et la participation, qui avait le courage et la détermination pour assumer ses responsabilités. Il était loyal, honnête avec l’humanité nécessaire dans son cœur pour respecter l’honneur et la dignité de chaque citoyen », selon Robert Manuel.

Patricia Préval, avec tendresse et poésie, dans un ultime moment d’intimité, évoque son père, présenté comme « un arbre qui raconte une belle histoire ». Son père, dans tout ce qu’il faisait avait besoin d’être content et libre. La politique, pour lui, n’etait pas une fin mais un moyen pour favoriser le développement, conte Patricia Préval qui enfant, pensait que son père était celui de tous les enfants. Partager son père avec toute la nation, accepter les absences s’est imposé, au fil des ans, comme une évidence. L’amour, la culture du vivre ensemble, le partage, sont des traits de son père, a confié Patricia Préval.

La capacité de René Préval à comprendre le principe de l’équilibre a forgé son action. La responsabilité, le dialogue, le respect mutuel, comprendre, écouter, pardonner, ont eu plus qu’une résonnance mais un sens, l’essence de ses rapports tant politiques que personnels. René Préval, dans les mots de Patricia, est ce père qui communique intensément avec sa fille même dans le silence. Ce papa poule qui appelle rien que pour dire bonjour, pas plus et tellement avec un simple bonjour. La relation fusionnelle permet au père de ressentir quand la fille a besoin de lui. Lui qui, présent, attentionné, n’a jamais encouragé la paresse et la dépendance. Chacun devait prendre sa vie en main, assumer ses responsabilités, a souligné Patricia Préval, reconnaissante, au nom de la famille, à l’égard du président Jovenel Moïse.

Le chef de l’Etat, comme d’autres, a exprimé respect et admiration pour le défunt, un « démocrate convaincu », « l’homme politique le plus marquant de notre temps ». « Je prends l’engagement de faire tout ce que René Préval a fait de bon », a dit Jovenel Moïse dans un discours qui par moment, était décalé, avec un air de campagne électorale terminée depuis plusieurs mois. A 10heures 30, sous un ciel gris, la cérémonie a pris fin dans un kiosque où l’on a porté des « chapo pay » comme pour montrer la connexion du défunt avec la paysannerie…Le cortège s’est ébranlé environ une heure après la cérémonie en direction de Marmelade dans l’Artibonite où la dépouille de l’ex-président sera inhumée.


Roberson Alphonse

Auteur


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie