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Durant à Golden State, le choix de la facilité et de la raison

lundi 4 juillet 2016

Si la décision de KD est compréhensible, elle va à l’encontre d’une certaine idée du sport et de l’éthique.

Neuf ans, ça suffit. Kevin Durant est l’un des trois meilleurs joueurs du monde, un attaquant on ne peut plus complet, une superstar. Mais après neuf saisons à courir après le titre avec Oklahoma City (qui était encore Seattle à ses débuts), son palmarès est toujours vierge. Voilà ce qui a poussé KD à quitter le Thunder, à 27 ans. Peut-on lui en vouloir ? Il n’y a pas de loi qui oblige les stars à rester toute leur carrière dans la même équipe. La vraie question est la suivante : Durant pouvait-il gagner le titre dans l’Oklahoma, avec Russell Westbrook à ses côtés ? Ce dernier est assurément l’un des joueurs les plus talentueux du moment, une machine à triple-doubles, le meneur de jeu le plus athlétique qu’on ait vu sur un terrain et un compétiteur animé par la même soif de vaincre qu’un Kobe Bryant. Mais on connait aussi ses sautes de concentration, sa faculté à perdre des ballons ou à prendre des tirs improbables dans les moments chauds. Kevin Durant est-il arrivé à la conclusion que son tandem avec Russell Westbrook était définitivement voué à l’échec, au-delà de leur amitié en dehors des parquets ? Il ne l’a jamais dit ainsi, mais c’est probable. Sinon, pourquoi partir, tourner le dos à la franchise qui l’a drafté et s’attirer les critiques des uns et des autres ?

Tous les titres n’ont pas la même valeur

Ce qu’on peut lui reprocher en revanche, c’est sa destination, le choix de rejoindre l’équipe qui l’a battu lors des derniers play-offs, Golden State. Rappelons toute de même que le Thunder a été à 48 minutes des Finales NBA 2016 trois fois contre ces mêmes Warriors, en finales de Conférence, ayant mené 3-1. Mais trois fois, KD, Westbrook et compagnie ont laissé passer le coche, alors qu’ils ont globalement dominé la série.

Durant ne rejoint pas seulement l’équipe qui l’a battu, mais aussi celle qui a effacé le record de victoire des Bulls en saison régulière (73 en 2015-16) et qui reste sur deux apparitions consécutives en Finales, avec un titre en 2015. Une équipe qui compte déjà dans ses rangs Draymond Green, Andre Iguodala, ainsi que les deux meilleurs shooteurs du monde, Klay Thompson et Stephen Curry. Ce dernier sortant d’ailleurs d’une saison historique à titre individuel : record NBA de réussites à trois points (402 en saison régulière), MVP à l’unanimité (une première), meilleur scoreur (30,1 pts/match) et meilleur intercepteur (2,1/match) de la Ligue. Malgré sa défaillance en finale, défaillance qui s’explique en partie par les blessures, Curry est un monstre. KD aussi. Et les Warriors ont déjà prouvé qu’ils sont tout en haut dans la hiérarchie, l’une des meilleures équipes de l’histoire. Faire ce choix, aussi compréhensible soit-il quand on vise son premier titre, manque de panache.

Le panache, c’est justement ce qui rend le titre remporté par LeBron James avec Cleveland cette année si spécial, comparé aux deux qu’il a glané avec Dwyane Wade et Chris Bosh à Miami en 2012, contre le Thunder de Kevin Durant, et 2013, l’année du shoot magique de Ray Allen contre San Antonio. Tous les titres n’ont donc pas la même saveur, et ceux que pourraient remporter KD avec Stephen Curry et compagnie n’aurait assurément pas le même goût que s’il avait soulevé le trophée Larry O’Brien à OKC.

Karl Malone, Charles Barkley, Steve Nash… et Kevin Durant ?

Mais la perspective d’intégrer le club des meilleurs joueurs sans bague, avec Karl Malone, Charles Barkley, Patrick Ewing, John Stockton, Steve Nash et autre Allen Iverson, a poussé Kevin Durant à secouer l’histoire. Rappelons que ce n’est évidemment pas pour l’argent que l’intéressé a choisi de signer à Golden State. Il ne prendra « que » 53 et quelques millions de dollars sur les deux prochaines années dans la Baie de San Francisco, selon ESPN, alors qu’il aurait pu signer pour cinq ans et un salaire bien supérieur dans l’Oklahoma. Le natif de DC aura en outre la possibilité d’être free-agent l’été prochain, la deuxième année de ce deal étant optionnelle. D’ailleurs, Durant n’est pas dans le besoin : outre ses neuf ans de salaire de joueur NBA et ses divers engagements publicitaires, il a signé un contrat d’environ 300 millions de dollars sur 10 ans avec Nike en 2014… Ce choix n’est guidé que par la volonté de gagner, et de gagner maintenant.

Rejoindre Curry et compagnie représente donc peut-être le choix de la facilité, mais c’est aussi celui de la raison. Quitte à partir, autant rejoindre les meilleurs… On ne peut toutefois pas exclure de le voir suivre les traces de LeBron James jusqu’au bout : quitter son club de toujours pour former une mini dream team, remporter un ou plusieurs titres et pourquoi rentrer à OKC, ou même tenter le coup avec les Wizards, club de sa ville natale, une fois qu’il aura glané son premier trophée. Après tout, il n’a que 27 ans.

Les stars du passé n’auraient jamais suivi cette voie

Ne boudons d’ailleurs pas notre plaisir : voir Kevin Durant, Stephen Curry et consorts sous le même maillot, cela promet d’être diablement excitant, spectaculaire au possible. Le tout avec une pression terrible qui rendra leur saison d’autant plus savoureuse. Cela va simplement à l’encontre d’une certaine éthique, d’une certaine morale, d’une certaine idée du sport. On aurait eu du mal à imaginer Michael Jordan faire équipe avec Magic Johnson ou Larry Bird en leur temps... Mais les temps changent, en NBA comme ailleurs. Et ces valeurs n’ont pas pesé lourd dans la balance face à une bague.

Monter une « dream team » n’est pas forcément gage de réussite

Ajoutons à cela que le sacre n’est pas encore dans la poche pour les Warriors. Il suffit de se souvenir que le Heat du trio James-Wade-Bosh a perdu deux de ses quatre Finales entre 2011 et 2014, dont un effondrement historique contre Dallas en 2011 et une déculottée mémorable en 2014, face aux Spurs. On se rappelle aussi que le « Big Three » Paul Pierce, Kevin Garnett et Ray Allen n’a accroché qu’une bannière de champion au plafond du TD Garden de Boston, en 2008. Un peu plus loin en arrière, Shaquille O’Neal, Kobe Bryant, Karl Malone, Gary Payton et les Lakers s’étaient fait « sweeper » par Detroit en finale, en 2004.

Si les Warriors auront assurément le roster le plus talentueux en 2016-17, ils vont perdre en profondeur de banc ce qu’ils vont gagner en force de frappe. Ils ne pourront en effet pas conserver leurs huit free-agents, c’est une certitude. Surtout que Stephen Curry, qui ne sera payé que 11 et quelques millions de dollars la saison prochaine, va signer un énorme contrat dans un an. Le salary cap (limite salariale) a été sensiblement rehaussé cette année, passant de 70 à 94 millions de billets verts, mais il ne permet pas non plus toutes les fantaisies… On peut déjà considérer qu’Harrison Barnes va partir. Festus Ezeli a déjà été libéré et Andrew Bogut va être tradé (à Dallas où il devrait être rejoint par Barnes). Et ce n’est que le début du grand chamboulement à venir… Le GM Bob Myers et Jerry West ont donc du pain sur la planche pour constituer un roster digne de ce nom autour de leurs stars. Un roster capable de battre les Cavaliers de LeBron James (qui n’a toujours pas resigné) lors des Finales NBA cuvée 2017, et San Antonio ou les Clippers à l’Ouest…


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