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6 décembre 1912. L’archéologue allemand Borchardt découvre le buste de Néfertiti

samedi 6 décembre 2014

Pour sortir le chef d’oeuvre d’Égypte au nez et à la barbe des autorités, l’archéologue l’aurait fait barbouiller.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos
En décembre 1912, l’archéologue allemand Ludwig Borchardt entame sa deuxième campagne de fouilles à Amarna, la capitale érigée par Akhenaton, père de Toutankhamon, et son épouse Néfertiti. Voilà près de 35 siècles que la ville, abandonnée à la mort du pharaon, dort sous les sables du désert. Depuis plusieurs jours, les ouvriers égyptiens fouillent l’atelier du célèbre sculpteur de l’époque, Thoutmosis. Il adore fabriquer des bustes. Les ouvriers en découvrent quantité. Ceux de Line Renaud, d’Amanda Lear, de Bernadette... mais aussi d’Akhenaton et de Néfertiti. Des bustes grossiers, le plus souvent inachevés ou alors brisés.

Rumeurs de faux

Mais le 6 décembre 1912, c’est enfin la fabuleuse découverte. Un ouvrier distingue sur le sol de l’atelier, recouvert par de nombreux débris, un buste peint qui semble intact. Borchardt accourt à la nouvelle. L’objet est dégagé avec mille précautions, puis enregistré sous le numéro 748 avec une banale description : "buste peint de la reine" - car il s’agit bel et bien de Néfertiti : sa couronne royale typique en fait foi. Le soir, l’archéologue allemand note dans son journal : "Trouvé : le buste de la reine, grandeur nature. Les couleurs comme si elles avaient été peintes hier. Travail remarquable. Impossible de le décrire : il faut le voir." C’est son état de conservation quasi impeccable, comme si le buste avait été façonné et peint la veille, qui alimentera, ultérieurement, les rumeurs de faux. On prétendra ainsi par la suite que le buste aurait pu être sculpté par les assistants de Borchardt à titre d’exercice. Les preuves manquent.

Pour l’heure, l’archéologue allemand est soufflé par sa beauté. Il note encore dans son journal : "Soudain, nous avions entre les mains l’oeuvre d’art égyptienne la plus vivante qui soit. Il (le buste) est quasiment complet, seules les oreilles ont été ébréchées, et il manque l’insert dans l’orbite gauche." L’absence de cet oeil, alors que l’autre est impeccable, reste un mystère. Un clin d’oeil à Le Pen ? Le buste est-il inachevé ? Ou alors servait-il de modèle aux élèves du sculpteur, ce qui rendait la présence d’un deuxième oeil inutile ? L’inspecteur Derrick est toujours en train d’enquêter. Peu importe à Borchardt, qui emporte précieusement la pharaonne sous sa tente, déjà colossalement amoureux d’elle. Quelques jours plus tard, fier comme Artaban, il présente sa découverte à deux princesses de Saxe visitant Amarna.

Dissimulation

L’archéologue est devant un grave cas de conscience. Lui faut-il immédiatement déclarer son immense découverte et risquer de la perdre ? Ou plutôt la taire pour l’emporter en Allemagne ? C’est qu’en 1912 on ne pille plus sans vergogne les sables égyptiens comme au XIXe siècle. Les occupants britanniques imposent la loi du partage à moitié exacte. À la fin de chaque chantier de fouilles, les archéologues étrangers doivent répartir leurs découvertes en deux tas qu’ils proposent au représentant du Conseil suprême des antiquités égyptiennes (CSA). C’est à lui de faire le choix entre ce qui revient à l’Égypte et ce qui est emporté par les archéologues. À cette époque, le CSA est dirigé par le Français Gaston Maspero, à qui il est difficile de faire prendre des vessies pour des lanternes.

Le 20 janvier 1913, Ludwig Borchardt montre donc le produit de ses fouilles dans des caisses - 5 500 pièces au total ! - au jeune archéologue de 33 ans Gustave Lefebvre, envoyé par Maspero. Ô miracle, celui-ci ne remarque pas Néfertiti mais focalise son attention sur un superbe retable en couleur montrant Akhenaton et son épouse avec trois de leurs enfants. Le musée du Caire ne possède encore rien d’équivalent. Mais a-t-il bien vu la pièce ? Borchardt sera, ultérieurement, accusé d’avoir volontairement dissimulé l’éclat du buste sous un enduit.
Nein de Hitler

Quoi qu’il en soit, voilà Néfertiti à Berlin. Durant dix ans, elle se planque. Ludwig Borchardt ne publie rien à son sujet. Il se tait. Peut-être n’a-t-il pas la conscience tranquille ? On ne sait pas où il la conserve. Chez lui ? La remet-il à Henri James Simon, un des fondateurs de la Deutsche Orient-Gesellschaft, qui a financé ses fouilles ? Ce n’est qu’en 1923 que l’archéologue remet, enfin, Néfertiti au musée de Berlin.

Aussitôt, Le Caire exige sa restitution, essuyant un refus de Berlin. Mais les Égyptiens ne lâchent pas le morceau, ils menacent les Allemands d’interdiction de fouilles. En 1929, ils offrent d’échanger le buste contre plusieurs objets. Nein ! En 1933, Hermann Göring est prêt à le rendre à Farouk pour bénéficier de son soutien politique. Nein ! hurle Hitler, qui tombe à son tour amoureux de la belle Égyptienne. Il interdit son départ et promet aux Égyptiens de lui construire à Berlin un musée rien que pour elle. "Au milieu, cette merveille, Néfertiti, trônera... Je ne renoncerai jamais à la tête de la reine", écrit-il. Aujourd’hui, la reine Néfertiti est toujours en exil, exposée au Neues Museum à Berlin. Et toujours pas question de la rendre ! Plutôt leur renvoyer Angela Merkel.
C’est également arrivé un 6 décembre

1998 - Décès du sculpteur César, 77 ans, à Paris.

1996 - Mise en examen de Xavière Tiberi, épouse du maire du 5e arrondissement de Paris.

1992 - La Suisse refuse d’adhérer à l’Union européenne.

1969 - Un Hell’s Angel poignarde un spectateur lors du Festival d’Altamont organisé par les Rolling Stones.

1929 - Les femmes obtiennent le droit de vote en Turquie.

1917- La Finlande obtient l’indépendance de la Russie.

1917 - Dans le port d’Halifax, collision entre le Mont-Blanc chargé de munitions et un autre bateau : 2 000 morts.

1914 - Pancho Villa et Emiliano Zapata entrent à Mexico après quatre ans de luttes révolutionnaires.

1877 - Premier enregistrement d’une voix humaine par Thomas Edison.

1768 - Première édition de l’Encyclopaedia Britannica.

1636 - Corneille crée Le Cid.

1534 - Fondation de Quito par les Espagnols


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