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29 mai 1770. Bal masqué organisé pour le mariage de Louis XVI avec Marie-Antoinette.

jeudi 28 mai 2015

Le lendemain, une bousculade lors d’un feu d’artifice tiré sur la place Louis XV fait 130 morts

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le jour de son mariage célébré le 16 mai 1770, le dauphin Louis Auguste, petit-fils de Louis XV, est un jeune puceau absolument pas porté sur le sexe. C’est l’absolu contraire de son grand-père à qui il succède. Quant à la fillette Marie-Antoinette, qui n’a que 14 ans, ce n’est encore qu’une gamine ne pensant qu’à s’amuser. Le futur roi laisse passer dix mois avant de partager le lit de son épouse, et encore n’est-ce que pour dormir. La pauvre princesse autrichienne devra attendre sept ans pour recevoir enfin la semence royale. Pour expliquer ce retard à l’allumage du dauphin, certains historiens affirment qu’il souffrait d’une déformation du pénis. Mais on en doute de plus en plus. Pour en revenir à la cérémonie nuptiale, elle se déroule dans la chapelle de Versailles. Durant plusieurs jours, ce n’est qu’une succession de festivités, de bals masqués, de représentations théâtrales et de feux d’artifice.

Le 27 mai 1770, l’ambassadeur de Vienne, le comte de Mercy-Argenteau, qui représente les parents de la mariée - l’empereur et l’impératrice d’Autriche -, offre un souper de 250 couverts en l’honneur du jeune couple. Il envoie la facture à Pygmalion pour la ventiler... Deux jours plus tard, le 29 mai, l’ambassadeur charge David et Cathy Guetta d’organiser un bal masqué avec 6 000 participants. Pour accueillir ses invités, il fait bâtir une salle provisoire dans l’enceinte du Petit Luxembourg, sa résidence. C’est un bâtiment en bois et en plâtre qui mesure une quarantaine de mètres de long, sur 25 de large, avec 15 mètres d’élévation. La salle est ceinturée par une galerie et 24 colonnes corinthiennes cannelées supportent le plafond recouvert d’une immense fresque. C’est d’un luxe inouï pour du provisoire. Tout Paris veut en être. "Il est entré chez moi 6 000 masques, quoique je n’eusse fait distribuer que 4 500 billets. La consommation de vivres qui s’y est faite est presque incroyable, et les derniers masques en sont partis le lendemain à quatre heures après midi. Je n’avais pas oublié le peuple, lequel, dans une place attenante à mon hôtel, a eu des fontaines de vin, des comestibles et des violons", écrit l’ambassadeur au secrétaire de l’impératrice d’Autriche. La Compagnie créole obtient un succès d’estime avec son "Bal masqué, ohé, ohé", mais les invités préfèrent danser la gavotte, la pavane ou encore l’allemande.

Paillassons sanguinolents

Le lendemain, mercredi 30 mai, la bombance continue. C’est au tour du peuple de Paris de fêter le mariage de son futur souverain. À 6 heures du matin, puis à midi, l’artillerie tire des salves pour saluer l’événement. Le soir, à la demande de Jack Lang, plusieurs orchestres répartis dans la capitale font danser les Parisiens. C’est la Fête de la musique... Des fontaines de vin abreuvent les nombreux assoiffés. Les commis de la ville distribuent pain et viande aux pauvres. La ville rugit de mille clameurs joyeuses. Vive le dauphin ! Vive l’Autrichienne ! Et dire que, 20 ans plus tard, ce peuple versatile leur coupera la tête ! La foule se rassemble sur les boulevards tracés à la place des anciens remparts, près du chantier de l’église de La Madeleine. Il y a là une foire avec ses nombreuses baraques. La foule coule naturellement vers la place Louis XV, où le maître artificier Ruggieri s’apprête à tirer un gigantesque feu d’artifice autour du Temple de l’hymen. Combien sont-ils à s’entasser sur la place ? Cent mille ?

Ni le roi, ni le dauphin, ni sa jeune épouse ne sont présents, mais le reste de la cour prend place dans les "nouvelles colonnades". À 21 heures, la jeune duchesse de Chartres allume la première lance à feu. Les fusées prennent d’assaut le ciel, le temple se dessine en ligne de feu, la foule hurle de bonheur. Soudain, c’est une panique monstrueuse, des courants opposés de foule provoquant des bousculades en série. De nombreux badauds chutent dans les fossés mal comblés des remparts. En essayant de forcer le passage, des cochers de maître augmentent la confusion et la panique. La foule hurle, s’écrase, se renverse, se piétine, s’étouffe. La nuit se referme sur un énorme piège. Des femmes meurent étouffées debout, des mômes deviennent des paillassons sanguinolents. C’est à ce moment-là que la dauphine vient jeter un coup d’oeil au feu d’artifice. Elle arrive en carrosse le long de la Seine, mais doit faire demi-tour devant les fuyards épouvantés. Elle était venue pour recevoir les hommages de ses sujets. Elle repart sous une clameur déchirante. La panique a laissé derrière elle 132 cadavres.

Le lendemain, le dauphin écrit au lieutenant général de police : "J’ai appris le malheur arrivé à Paris à mon occasion. J’en suis pénétré. On m’apporte ce que le roi m’envoie tous les mois pour mes menus plaisirs. Je ne puis disposer que de cela. Je vous l’envoie. Secourez les plus malheureux." Marie-Antoinette en fait autant. Croyez-vous que ceux qui les mèneront à l’échafaud se souviendront de ce geste ?


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