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28 novembre 1721. Avant d’être roué vif, Cartouche balance tous ses complices qui l’ont trahi

vendredi 28 novembre 2014

Triste réalité ! Le célèbre bandit n’est qu’une donneuse. Parce que sa bande n’est pas venue le délivrer, il la livre sans aucune pitié.

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos
Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1721, Louis Dominique Garthausen, connu sous le nom de Cartouche, balance tous ses complices au juge. Plus moyen de l’arrêter. Les noms s’enchaînent : Paternotte, Robineau, Vasseur, Para... Au petit matin, il a livré soixante-dix noms. Il est satisfait de sa vengeance. Ils n’avaient qu’à le faire évader comme promis. Le voilà maintenant prêt à retourner en place de Grève pour y être roué vif. Le bourreau Charles Sanson l’y attend avec impatience pour achever le boulot entamé l’avant-veille, avant que Cartouche ne se décide à livrer ses amis. Durant toute la durée de sa confession, la majorité des spectateurs venus se régaler de son supplice sont restés sur place, se réchauffant autour de grands feux. Personne ne veut rater une miette du spectacle. C’est bien moins cher que le concert de Céline Dion et moins douloureux pour les oreilles...

D’un pas mal assuré, car il a subi le supplice des brodequins, Cartouche se dirige vers l’échafaud dressé au milieu de la place, noire de monde. Des centaines de têtes se pressent aux fenêtres. Les pères ont amené leurs gosses pour qu’ils s’instruisent. C’est donc lui, le célèbre Cartouche qui terrorise Paris et la France depuis des années ! Ce petit bonhomme de 28 ans avec un début de calvitie. Il faut l’aider à escalader l’échelle de l’échafaud. Sitôt qu’il est sur la plateforme, un silence de mort s’abat sur la place. Wendy Bouchard, qui est en train de tourner le prochain épisode de Zone interdite, teste la roue avec un agent du GIGN.

Douleur

Les aides du bourreau saisissent Cartouche pour l’attacher sur la croix de Saint-André, où Charles Sanson commence par lui briser tous les membres et les articulations avec une barre de fer. Après chaque coup, le supplicié hurle de douleur. Sanson se montre extrêmement maladroit : au lieu de briser les membres de Cartouche en huit coups, comme le prévoit la tradition, il lui en faut trois de plus. Mais il y a pire que cela : il a mangé la consigne des juges qui lui avaient demandé d’étrangler au préalable son client pour le remercier d’avoir livré sa bande. Quand on lui en fait la remarque, Sanson s’en veut à mort. D’un pas lent, il se dirige vers le piano en se mettant à chanter en choeur avec Véronique : "Qu’on me pardonne ou qu’on m’oublie / Je voyage au bout de ma nuit / Mais qu’on me pardonne ou qu’on m’oublie / Mais qu’on me prenne comme je suis."

Les aides du bourreau détachent le malheureux complètement désarticulé pour l’attacher à une immense roue, les jambes repliées sous lui comme indiqué sur le mode d’emploi fourni par Ikea. La foule se repaît du spectacle. Mais la star du jour n’y met pas vraiment du sien. Elle expire dans la demi-heure. C’est décevant, dans Koh-Lanta les candidats résistent bien plus longtemps... Le cadavre du bandit est exposé durant plusieurs jours. Sanson, qui ne touche pas de salaire officiel, fait payer un sol aux curieux voulant s’approcher. Et ils sont nombreux. Quand, après quelques jours, le cadavre commence à exhaler un doux fumet incommodant, le bourreau le vend un bon prix aux chirurgiens de la confrérie de Saint-Côme qui l’emportent dans leur amphithéâtre près du couvent des Cordeliers. Ils l’y exposent, faisant payer un écu aux visiteurs.

Début de règne

Louis Dominique Cartouche naît à Paris où son père est tonnelier ou marchand de vin. C’est un ancien mercenaire allemand dont le nom exact est Garthausen, francisé en Cartouche. Le jeune Louis commence ses premiers brigandages vers 11 ans, quand il dérobe des mouchoirs, tabatières et autres babioles pour les offrir à son amoureuse. Pour fuir les engueulades de son père, il prend la route avec des bohémiens qui lui apprennent l’art de la triche et du vol. Après cinq ans sur les bancs de cette formidable université, il prend son envol. Il est un temps laquais chez un marquis qui le chasse vite pour triche au jeu. Malgré sa petite taille (certains disent qu’il mesure 1,40 mètre) et son air angélique, le jeune Cartouche s’impose vite comme un caïd chez les mauvais garçons. Il prend la tête d’une bande de voleurs en Normandie. Déjà, il devient indic des forces de l’ordre, puis racoleur militaire. Finalement, il retourne à Paris, entraînant avec lui une bande de brigands.

C’est le début de son règne. Il dépouille les riches, pille les marchands, dévalise les carrosses, s’introduit dans les hôtels particuliers, rançonne les prostituées, triche au jeu. Son réseau de complices tentaculaire couvre tout le pays. Il règne sur des milliers d’hommes depuis la cour des Miracles. Ses compagnons s’appellent Tête de mouton, le Pouilleux, Jambes d’échalas, Gros Picard, Brin d’amour, Moscovici... Le petit peuple le soutient. N’est-il pas celui qui vole aux riches ? Malin, Cartouche soigne son image de marque par quelques coups d’éclat. Un jour, il vient au secours d’un marchand acculé au suicide en payant ses créances. Mais, le lendemain, en catimini, il reprend de force l’argent donné. Cartouche possède également sa face sombre, n’hésitant pas à tuer et à violer. Un jour, un marquis lyonnais lui demande d’assassiner une jeune femme qu’il a violé pour qu’elle ne le dénonce pas. Quelques temps plus tard, avec trois complices, Cartouche fait descendre de force la jeune femme d’un coche où elle se trouve, la viole et la tue. Autre histoire : un de ses associés, Jean Lefèvre, l’aurait mouchardé à la police. Il l’apprend, le fait venir, lui coupe le nez et le cou, puis lui ouvre le ventre pour en extirper les tripes.

Le brigand est arrêté une première fois en 1720, mais parvient à s’évader de Fort-l’Évêque où il est retenu. Ses forfaits reprennent. Il s’attaque aux diligences transportant l’argent royal. Les cochers sont froidement exécutés. Il est insaisissable. D’autant qu’il a de nombreux policiers à sa solde. Mais sa chance tourne. L’État promet 20 000 livres à qui permettra de l’arrêter. C’était la bonne chose à faire. Aussitôt, il est vendu par un de ses lieutenants, un certain Gruthus du Châtelet. Le 14 octobre 1721, les exempts l’arrêtent au saut du lit, dans l’auberge Au pistolet, dans le quartier de la Basse-Courtille (au pied de Belleville). Incroyable, mais, au moment où les soldats pénètrent dans sa chambre, l’ennemi public numéro un est en train de ravauder ses chaussettes. Il est aussitôt jeté, avec ses comparses, dans la prison du Châtelet. Par mesure de précaution, il est enchaîné à un poteau de fer et enfermé derrière trois portes. Le Tout-Paris vient admirer le célèbre Cartouche. Ainsi, un beau jour, le lieutenant criminel et le procureur du roi débarquent avec les comédiens Le Grand et Quinault, désireux de monter une comédie fondée sur les exploits de la bande de Cartouche. Il se dit que le Régent, Philippe d’Orléans, serait aussi venu jeter un coup d’oeil sur le célèbre prisonnier.

Trahison

Le procès est vite expédié : Cartouche et quatre de ses comparses sont condamnés à être rompus vifs en place de Grève le 26 novembre. Deux autres brigands, plus chanceux, seront pendus. Sitôt le jugement prononcé, ils ont tous trois droit à une petite gâterie supplémentaire : la question extraordinaire (la torture), pour les inciter à donner les membres de la bande encore libres. Sanson leur fait écouter le dernier album de Garou. Puis il enfile à Cartouche les brodequins magiques qui rétrécissent à volonté. Le mal est insupportable, mais il serre les dents et résiste. Ni lui ni les autres ne dénoncent le reste de la bande. Tous sont persuadés que celle-ci se prépare à les délivrer. Vers 15 heures, le 26 novembre, Charles Sanson tire la chevillette de la Conciergerie pour prendre livraison de ses clients, qu’il embarque dans sa charrette. Il prend la précaution de se faire accompagner par deux cents archers. Bien que le trajet fasse moins de trois cents mètres, il faut deux heures au convoi pour l’effectuer tellement il y a de monde. Toutes les fenêtres surplombant la place de Grève ont été louées. Marquises et ducs sont aux premières loges. Ce n’est pas tous les jours qu’un brigand est rompu avec sa bande.

Au dernier moment, cependant, on décide de n’expédier que Cartouche dans l’au-delà, car la torture a trop abîmé les autres. Ce serait gâcher le spectacle. La foule gronde de déception. Mais ce n’est rien à côté de celle du chef des brigands, qui est bien forcé de constater, à ce moment-là, que sa bande l’a laissé tomber. Dans la foule, il repère bien quelques-uns de ses hommes, mais absolument pas prêts à le délivrer. Il se sent trahi ! Il en pleurerait de rage, lui qui a résisté à la torture pour ne pas livrer leurs noms. Ah, les salauds, ils ne s’en tireront pas comme cela ! Il prend la parole pour dire qu’il a des choses à raconter. On le fait redescendre de l’échafaud, puis on le conduit à l’Hôtel de Ville. La foule hurle de nouveau sa déception. Elle décide de rester sur place jusqu’au retour de Cartouche, quitte à attendre des heures.

Confession

La chef des brigands a décidé de balancer toute sa bande, sans oublier personne. Sa confession prend dix-huit heures, au cours desquelles il livre soixante-dix noms, dont ceux de ses deux frères et de sa maîtresse. Dans son journal, le bourgeois Barbier note : "Toute la nuit, on ne faisait qu’amener du monde dans des fiacres, et la Grève était toujours pleine de gens qui attendaient... Pendant le temps qu’il a été à l’Hôtel de Ville, son sang-froid a surpris, jusqu’à envoyer chercher une fort jolie fille, qui était sa maîtresse ; et, quand elle fut venue, dire à son rapporteur qu’il n’avait rien à dire contre elle, que c’était pour la voir, l’embrasser et lui dire adieu. Il soupa le jeudi au soir, et il déjeuna le vendredi matin. Son rapporteur lui demanda s’il voulait du café au lait que l’on prenait. Il dit que ce n’était pas sa boisson et qu’il aimerait mieux un verre de vin avec un petit pain. On lui apporta, et il but à la santé de ses deux juges."

Les hommes dénoncés par Cartouche livreront d’autres noms, et, de fil en aiguille, près de 350 gredins, fripons, larrons et assassins seront arrêtés. Tous les jours, une nouvelle fournée de brigands sont pendus, des hommes comme des femmes. On parle de plus de cent cinquante exécutés. Du boulot pour Sanson jusqu’au printemps 1723. Quant à Cartouche, à l’aube du 28 novembre, Charles Sanson vient le chercher à l’Hôtel de Ville pour le mener à son supplice. Sa confession ne lui vaut aucune grâce, sinon celle d’être étranglé avant d’être rompu. Mais comme on l’a vu, cet abruti d’exécuteur mange la consigne...

C’est également arrivé un 28 novembre
1995 - Bernard Tapie est condamné à deux ans de prison, dont huit mois ferme, dans l’affaire OM-VA.

1989 - La gymnaste roumaine Nadia Comaneci se réfugie en Hongrie.

1974 - Dernière apparition sur scène de John Lennon.

1956 - Sortie du film Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, avec Brigitte Bardot.

1948 - Mise en vente du Polaroïd, appareil inventé par le docteur Edwin Land.

1947 - Le général Leclerc meurt, à 45 ans, dans un accident d’avion.

1943 - Début de la conférence de Téhéran, avec Churchill, Roosevelt et Staline.

1942 - À Boston, l’incendie du cabaret Cocoanut Grove fait 492 morts.

1922 - Au-dessus de Times Square, Cyril Turner, de la Royal Air Force, écrit un message de fumée blanche.

1829 - Dépôt du brevet de fourrure factice par Vavasseur et Lenoir.

1615 - Mariage forcé de Louis XIII avec Anne d’Autriche.

1520 - Magellan découvre un océan si calme qu’il le nomme Pacifique.

885 - Début du siège de Paris par les Vikings


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