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27 septembre 1590. Le pape Urbain VII meurt de la malaria treize jours seulement après son élection.

dimanche 27 septembre 2015

Soulagement du Vatican ce pape voulait faire le bien des pauvres au détriment des riches cardinaux.

Pour une fois qu’un pape ne se livre pas au parjure, au meurtre, à l’adultère, à l’inceste ou au scoutisme à la mode hitlérienne, et qu’en plus il veut faire le bien des "sans-dents", il faut que Dieu le rappelle aussitôt à lui ! Le 27 septembre 1590, après seulement treize jours de pontificat, le trop vertueux pape Urbain VII succombe au paludisme. Il y a de quoi vous dégoûter de bien faire votre boulot... Du reste, on n’y reprendra plus aucun pape.

Né à Rome en 1521 dans une famille appartenant à la noblesse génoise, Giovanni Battista Castagna étudie le droit civil et canonique dans diverses universités d’Italie avant de faire une brillante carrière. Commissaire aux comptes, archevêque de Rossano, président de diverses congrégations au concile de Trente, nonce en Espagne, à Venise, il possède un CV à décoiffer un cardinal. Il ne lui manque que d’avoir fait l’Ena. Surtout, il excelle dans tous les domaines. En 1583, il est fait cardinal-prêtre de l’Église titulaire de San Marcello puis, l’année suivante, il est nommé gouverneur de Bologne. À chaque fois, il manifeste une extraordinaire prudence, une capacité administrative inouïe et une efficacité rare. C’est donc presque tout naturellement que, dans la foulée du décès de Sixte Quint le 27 août 1590, il est désigné comme son successeur par les 54 cardinaux réunis en conclave le 15 septembre. La nouvelle de son élection provoque une vague d’allégresse universelle, tout spécialement en Espagne où son passage a marqué les esprits. François Hollande salue l’élection d’un pape enfin "normal". Celui-ci choisit le nom d’Urbain, sans doute pour rappeler qu’il fera preuve de bonté envers toutes ses ouailles.

Une liste des pauvres

Il entame son pontificat sur les chapeaux de roue de la papamobile. Dès le lendemain de son élection, il révolutionne la manière de régner d’un pape. Il fait distribuer de l’argent aux miséreux des faubourgs et ordonne de dresser une liste des pauvres de toutes les paroisses pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Il ordonne d’emblée à tous les boulangers de la ville de faire des pains plus gros et surtout de les vendre moins cher au peuple, il indemnisera leurs pertes sur ses propres deniers. Ses premières décisions changent vraiment des gangs bangs organisés par le pape Alexandre VI, ce cher Alexandre Borgia, un siècle plus tôt.

Urbain VII s’attelle ensuite à fournir du boulot aux nécessiteux en ordonnant l’achèvement des travaux publics entamés par son prédécesseur, les palais du Vatican et du Quirinal, les bâtiments de l’église Saint-Pierre... En bon manager, il n’oublie pas de motiver les cardinaux, dont les revenus sont bien maigres, en les augmentant. Plus incroyable encore, il règle les dettes de tous les monts de piété de l’État ecclésiastique.

Une guerre contre le luxe

Le pontife ne s’arrête pas en si bon chemin, il entame une guerre contre le luxe, allant jusqu’à interdire aux chambellans du Vatican de porter des vêtements en soie. Du jamais-vu chez les papes ! Lagerfeld le maudit... Question santé publique, Urbain VII est même le premier à interdire le tabac dans un lieu public et menace d’excommunier quiconque en consommerait sous le porche ou à l’intérieur d’une église, que ce soit en le mastiquant, en fumant la pipe ou en le sniffant sous forme de poudre. Condamnant formellement le népotisme, il assure qu’il ne nommera jamais un de ses proches au sein de sa curie. Il exile même ses parents de Rome en interdisant de se faire appeler "Excellence" comme cela se faisait jusque-là. Finis les passe-droits ! Bref, le pontificat débute fort... d’autant que la cérémonie d’intronisation du pape n’a pas encore eu lieu.

Mais, coup de tonnerre : quelques jours après son élection, le nouveau pape tombe gravement malade. Il doit s’aliter avec une fièvre de cheval déclenchée par le paludisme, la malaria (le mauvais air, comme disent les Italiens). L’enchantement se désintègre, les fidèles sont aux abois, le cul collé sur les bancs des églises à dévider leur chapelet pour que leur pape se rétablisse. On ordonne des prières de quarante heures, des processions interminables quadrillent les rues autour de Saint-Pierre, le pape reçoit le Saint Sacrement... On met le paquet ! Pour une fois qu’un pape de cette qualité est élu, pas question que Dieu le rappelle avant qu’il n’ait fait tout le bien qu’il a si longtemps médité.

Dernier voeu... pieux

Mais, comme souvent, Dieu fait la sourde oreille, l’état du pape vertueux s’aggrave. Chaque jour, le peuple est suspendu aux communiqués de santé dictés par le pontife lui-même. Depuis le ciel, Mitterrand lui conseille pourtant de se taire... Un jour, au plus mal, il exprime le désir d’aller sur le Quirinal, la colline où l’air est plus pur et plus sain, mais on lui rappelle fermement qu’il n’est pas d’usage qu’un pape soit vu en ville avant son couronnement. Comme si, en revanche, mourir avant son couronnement était d’usage. Bref, il n’a pas la force d’insister, alors il reste à décrépir au Vatican jusqu’à ce que, le 26 au soir, sa fièvre ayant décuplé, il se confesse, communie et reçoive l’extrême onction. La maladie l’emporte le 27 septembre. Bon jusqu’au dernier souffle, il lègue sa fortune personnelle à l’archiconfrérie de l’Annonciation, chargée d’assurer les dots des filles les plus pauvres.

Le pape bienfaiteur est enterré dans la basilique vaticane, Grégoire XIV lui succède. Lui s’empressera, dès son élection, de distribuer 1 000 écus à chacun des 52 cardinaux qui l’ont élu. Les restes d’Urbain VII seront transférés 16 ans plus tard à l’église de Santa Maria sopra Minerva, où un magnifique monument sera érigé en son honneur.


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