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21 juin 1964. Un "nègre" et deux jeunes Juifs sont massacrés par le Ku Klux Klan, dans le Mississippi.

dimanche 21 juin 2015

Trois jeunes militants envoyés pour inciter les Noirs à voter tombent dans une embuscade tendue par des Klansmen enragés.

Le dimanche 21 juin 1964, trois braves gosses américains meurent assassinés par le Ku Klux Klan pour avoir cru naïvement qu’un Noir vaut un Blanc. Comme plusieurs autres jeunes américains militant pour l’égalité des races, Andrew, James et Mickey ont répondu à l’appel du Congress of Racial Equality (CORE) réclamant des volontaires pour inciter les Noirs du Mississippi à voter lors des prochaines élections. Voilà presque un siècle que la Constitution américaine leur a octroyé le droit de vote, mais les p’tits Blancs du Sud n’entendent pas qu’un "nègre" puisse faire entendre sa voix. Et quand un p’tit Blanc du Sud n’est pas content, il ne téléphone pas à Bourdin sur RMC pour pleurnicher, il sort sa corde à lyncher. L’opération Freedom Summer (l’été de la liberté) est marquée par une flambée de violence. Le KKK brûle de nombreuses églises et écoles réservées aux niggers et organise plusieurs lynchages. Dans son blog vidéo, Jean-Marie Lepen qualifie ces enfantillages de détails...

James Chaney, 21 ans, est un jeune militant noir du CORE, né à Meridian dans le Mississippi. Mickey Schwerner, 24 ans, est étudiant en sociologie à New York, il est arrivé à Meridian en janvier 1964 accompagné de son épouse, Rita. Enfin, Andrew Goodman, 20 ans, débarque lui aussi de New York où il étudie l’anthropologie ; c’est un militant des droits civiques depuis plusieurs années. Ces deux derniers sont juifs, mais c’est juste une coïncidence. Vers la mi-juin, les trois jeunes gens se rencontrent en Ohio où ils suivent une formation délivrée par le CORE avant d’être lâchés sur le terrain. Le 20 juin 1964, James, Mickey et Andrew rallient Meridian en voiture pour y entamer leur sacerdoce. En route, ils croisent la berline de Nicolas Sarkozy affrétée par Bygmalion. Ceci n’a rien à voir avec notre histoire, sinon pour déclencher une vague de commentaires désapprobateurs ...

Verdict : la mort

Dès le lendemain de leur arrivée, c’est-à-dire le 21 juin 1964, les trois jeunes gens décident de se rendre dans le comté de Neshoba pour se rendre sur les débris fumant d’une église de Noirs, incendiée cinq jours plus tôt. Gonflés, les jeunots, car cet endroit est l’un des fiefs du Ku Klux Klan. Les militants du CORE y sont aussi bienvenus que Ribery dans une librairie... Du reste, le shérif du comté et son adjoint Cecil Price font même partie des Chevaliers blancs, l’organisation la plus secrète du Ku Klux Kan. Les trois jeunes gens prennent place dans une voiture dont ils savent pertinemment que le KKK possède le numéro d’immatriculation. Quelques kilomètres avant d’arriver à destination, leur Ford bleue est arrêtée par Cecil Price, sous le fallacieux prétexte d’un excès de vitesse. Il a reconnu la bagnole. Ces fucking bastards de militants n’iront pas plus loin ! On va s’occuper d’eux ! Price leur demande de le suivre jusqu’à Philadelphia où il les boucle à double tour dans la prison, leur refusant d’utiliser le téléphone. Puis, avec le shérif, il convoque les autres membres du Klan pour décider de la conduite à tenir. Verdict immédiat : la mort ! Mais la sentence devra être exécutée loin de la prison.

Afin d’enformir la méfiance des trois jeunes gens, les flics leur font croire qu’ils seront bientôt relachés. Vers 10 heures du soir, Price annonce aux trois jeunes gens qu’ils peuvent partir après avoir réglé une amende de 20 dollars. Ceux-ci ne se le font pas dire deux fois. Après avoir versé la somme demandée, ils montent dans leur voiture pour retourner à Meridian. Price les suit dans sa voiture de fonction jusqu’à la limite de la ville, mais, au lieu de faire demi-tour, il met en marche sa sirène pour indiquer à Chaney de s’arrêter. C’est alors que plusieurs véhicules bourrés d’individus encagoulés surgissent. On ne plaisante plus, les petits gars. Vous allez voir ce qu’il en coûte de défier les Klansmen dans leur fief. Les trois militants sont arrachés à leur véhicule pour être jetés dans celles de leurs agresseurs. Celles-ci roulent jusqu’à un un endroit isolé. Insultes et coups pleuvent.

Appel au FBI et à la mafia !

Un des assaillants, nommé Alton Wayne Roberts, hurle en direction de Mickey : "Es-tu un de ces amoureux des nègres ?" Malgré le revolver qu’il brandit, le jeune homme, adepte de la non-violence, répond : "Monsieur, je sais ce que vous ressentez." L’autre pose son arme à la hauteur du coeur du gosse et fait feu, la main toujours posée sur son épaule. Tué sur le coup, Mickey roule dans le ravin qui borde la route. Toujours sur les bons coups, Bernard de La Villardière demande à Roberts de répéter son geste, car lui-même présentait son mauvais profil à la caméra... Goodman est assassiné à son tour, de la même manière. Quant au "nègre" Chaney, il mérite mieux qu’une mort instantanée. Il est battu à mort par les hommes déchaînés. Horrible ! Les trois corps sont ensuite transportés jusqu’à un barrage en terre pour y être enterrés à l’aide d’un bulldozer, tandis que leur voiture est incendiée dans un marais voisin.

À Meridian, la disparition de James, Mickey et Andrew inquiète les militants du CORE. Ils appellent la prison de Philadelphia où on leur répond ne pas les avoir vus. Les jours passent. Inutile de dire que les autorités locales ne mettent aucun empressement à retrouver les disparus. Peu à peu le scandale monte dans tout le pays. Au point que le président Lyndon Johnson oblige le patron du FBI, J. Edgar Hoover, à enquêter sur la disparition. Oui, "oblige", car Hoover ne porte pas vraiment les militants pour l’égalité des droits civiques dans son coeur.

Au cours de leurs investigations, les cent cinquante agents du FBI découvrent les corps d’au moins sept autres Noirs du Mississippi qui avaient disparu au cours des années précédentes. Mais les trois jeunes gens restent introuvables. Le bruit court que le FBI aurait même fait appel à des membres de la mafia pour les aider à retrouver les corps. L’un d’eux, d’après le témoignage de sa petite amie, trente ans après les faits, serait allé jusqu’à enlever un membre du Klan et à lui introduire le canon d’un pistolet dans la bouche pour le faire parler. Sans succès.

De 3 à 10 ans de prison

Finalement, le FBI offre une prime de 25 000 dollars à qui fournira des informations. C’est la bonne méthode, car, étonnamment, pour un raciste le pognon n’a pas de couleur. Effectivement, une gorge profonde au sein du KKK finit par lâcher le morceau. Quarante-quatre jours après leur assassinat, les trois militants sont découverts. La balance est le patrouilleur de la police Maynard King, qui n’avait pas participé au commando, mais avait été mis dans le secret par un de ses amis qui avait participé au meurtre.

Rapidement, les dix-huit Klansmen impliqués sont identifiés, mais les autorités du Mississippi refusent de les inculper pour meurtre. Scandale dans le reste du pays. Du coup, le procureur du département de la Justice des États-Unis, John Doar, invoque le US Force Act de 1870, qui offre la possibilité de condamner toute personne ayant usé de violence pour empêcher des citoyens américains d’exercer leurs droits civiques.

Sept membres du Klan sont condamnés à des peines de prison allant de trois à dix ans. Aucun ne passera plus de six ans à l’ombre. Pas cher payé pour le meurtre de trois hommes. Mais le pire, c’est que le supposé instigateur de l’opération, un certain Edgar Ray Killen, n’est pas jugé sous le prétexte qu’il est pasteur. Il faudra attendre quarante ans pour que le journaliste d’investigation Jerry Mitchell, aidé par des étudiants de l’Adlai E. Stevenson de Lincolnshire, dans l’Illinois, découvre suffisamment de faits nouveaux pour faire rouvrir le dossier. Au cours du procès qui suit, en 2005, Killen, 80 ans, est condamné à trois fois 20 ans de prison. Il ne les fera pas jusqu’au bout ! Aujourd’hui, un Noir est président des États-Unis. Belle revanche.


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