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20 mars 1720. Un cousin du Régent assassine un spéculateur avant d’être condamné à être roué vif

vendredi 20 mars 2015

Dans la dèche, le comte de Horn se fait voleur et assassin, croyant ne rien risquer grâce à sa parenté. Mauvais calcul !


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Est-il juste pour un aristocrate cousin du Régent d’être dans la dèche, alors que des roturiers spéculant avec les actions de la Compagnie d’Occident, fondée par le banquier John Law, sont pleins aux as ? Est-il juste qu’il ne puisse pas se payer de Rolex ? Non ! C’est ce que se dit le comte de Horn, un jeune aristocrate flamand de 22 ans arrivé à Paris depuis peu. Le 20 mars 1720, il entreprend donc de voler un de ces riches boursicoteurs. Avec son complice Laurent de Mille, il entraîne sa victime dans une chambre du cabaret de l’Épée de bois, rue Quincampoix, à Paris. Une troisième canaille répondant au nom de Lestang fait le guet sous la fenêtre, rue de Venise.

Dès que le spéculateur s’assoit, le comte passe derrière lui et lui entortille la tête avec une serviette. "T’as pas l’air d’un pingouin, maintenant ?" lui demande-t-il... Sans attendre la réponse, les deux hommes lui portent alors dix coups de poignard. À cet instant, la porte s’ouvre sur un valet qui pousse un hurlement de terreur. Les deux meurtriers s’enfuient précipitamment par la fenêtre. Selon une première version, le comte se tord la cheville en atterrissant au sol. D’où son arrestation immédiate, celle de Mille intervenant quelques minutes plus tard sur le marché des Innocents. Selon une deuxième version, le comte aurait réussi à s’échapper sans mal, mais se serait rendu de lui-même chez le commissaire Regnard de la rue Saint-Martin afin de déposer une plainte pour une tentative d’assassinat contre sa personne ! Très astucieux, malheureusement, trop de témoignages l’accablent. Il est donc conduit en prison.

Folie furieuse

Comment un jeune comte apparenté aux plus grandes familles d’Europe a-t-il pu emprunter les chemins du crime ? Le comte de Horn avait débarqué à Paris, quelques mois auparavant, avec déjà la réputation de posséder un grain de folie furieuse. C’est un jeune homme de belle prestance dont les "yeux ardents" plaisent à la gent féminine. Il enchaîne les conquêtes, mais il faut avouer qu’il n’est pas très regardant sur la marchandise : ribaudes, servantes, épouse d’un ex-président, toutes lui conviennent. Indubitablement, le plus beau fleuron de son tableau de chasse est la comtesse de Parabère. Très jeune, très belle et dévergondée à souhait, c’est la maîtresse préférée du Régent, à qui elle organise d’amusantes orgies au Palais-Royal.

Le comte de Horn loge à l’hôtel de Flandre, rue Dauphine. Son frère lui verse une forte pension, mais le jeune homme la perd rapidement au jeu de la foire de Saint-Germain. C’est alors qu’au début de l’année 1720 deux coquins de ses fréquentations, le Piémontais Laurent de Mille et un certain Lestang, fils d’un banquier flamand, lui proposent de dévaliser un Juif, nommé Jean Lacroix, qui s’est enrichi en spéculant avec les actions de la Compagnie d’Occident de John Law. Il a la réputation de se balader avec les poches bourrées de pognon. Pourquoi tant d’argent pour ce Juif et rien pour eux ? Les deux compères parviennent à convaincre le comte de s’associer à eux pour le dépouiller.

Honneur terni

L’arrestation du comte de Horn fait l’effet d’un coup de canon dans le Paris aristocratique. Surtout qu’il est condamné avec son complice Mille (Lestang, lui, ayant pu s’échapper de France) au supplice de la roue. Émoi et scandale, car, en France, tout aristocrate condamné à mort a l’heureux privilège d’être décapité. Le supplice de la roue est réservé au manant. Si Horn devait être roué, l’honneur de sa parenté s’en trouverait terni jusqu’à la quatrième génération. Elle devrait également renoncer aux honneurs et aux fonctions lucratives.

Dès le 21 mars, une délégation familiale se précipite au Palais-Royal pour supplier le Régent de commuer la sentence en réclusion à perpétuité. Mais celui-ci reste inflexible. Quand on lui fait remarquer qu’il a "l’honneur d’être parent avec le comte de Horn", il aurait répondu : "Quand j’ai du mauvais sang, je me le fais tirer." Une réponse apocryphe, semble-t-il. Néanmoins, le Régent consent à remplacer la roue par la hache du bourreau, par égard pour la famille. C’est un moindre mal. Le lendemain, il répète sa promesse à sa maîtresse la comtesse de Parabère, et même au duc de Saint-Simon, le célèbre mémorialiste. Il propose également de dresser l’échafaud à l’abri du public dans le cloître de la Conciergerie où le comte est gardé prisonnier.

Le 23 mars, le bourreau Charles Sanson est abordé dans un parc par une jeune femme voilée. Avec ardeur, elle plaide la cause du comte de Horn, suppliant Charles de le laisser s’enfuir. Devant son refus poli, elle finit par montrer son visage au bourreau, qui reconnaît avec stupéfaction la maîtresse du Régent, la sublime comtesse de Parabère. Mais rien n’y fait, pas même un rouleau de cent louis qu’elle tente de lui glisser dans la main. Même si elle offrait son corps charmant pour qu’il lui fasse subir quelques petits supplices charnels de son cru, le pauvre Samson ne pourrait rien faire pour elle. La seule concession qu’il lui accorde, c’est de ne pas intervenir si un commando essayait de délivrer le prisonnier.

Étranglement préalable

Le mardi 26 mars 1720, une nouvelle terrible se répand dans Paris en début d’après-midi : le comte de Horn et son complice Mille ont été torturés, puis soumis au supplice infamant de la roue en place de Grève, le matin même, en dépit de la promesse du Régent. Celui-ci a trahi sa parole. Ce n’est pas pour rien qu’il est surnommé le Roué. Les deux suppliciés ont donc été attachés sur une grande croix en forme de X pour que le bourreau et ses aides puissent leur briser méthodiquement les quatre membres. Habituellement, le bourreau reçoit la consigne d’étrangler au préalable le condamné pour lui éviter de trop grandes souffrances. Mais pas pour Horn. La tradition familiale rapporte que Sanson l’aurait étranglé de sa propre initiative. Monsieur le bourreau est bien bon. Quoi qu’il en soit, une fois ses membres brisés, le jeune comte, qui ressemble désormais à une marionnette désarticulée, a été accroché sur une roue, bras et jambes repliés sous lui, puis exposé à la curiosité publique. De même pour son complice.

En apprenant la trahison du Régent, la famille se précipite place de Grève pour récupérer le corps de son parent. Pas facile à transporter. Le marquis de Créquy se retrouve avec une jambe qui ne tient plus que par quelques lanières de peau sanglante. Maigre consolation pour les proches du comte : la trahison et la cruauté du Régent les ont absous de toute infamie. Ils continueront à bénéficier des largesses de tous les rois d’Europe.
C’est également arrivé un 20 mars

1995 - Attentat au gaz sarin dans le métro japonais par la secte Aum Shinrikyō.

1974 - Tentative d’enlèvement de la princesse Anne et de son époux, le capitaine Mark Phillips.

1966 - Vol du trophée de la Coupe du monde de football lors d’une exposition à Westminster.

1960 - Just Fontaine se brise la jambe, ce qui met prématurément fin à sa carrière de footballeur.

1956 - La France reconnaît l’indépendance de la Tunisie.

1933 - Ouverture du camp de Dachau.

1852 - Publication de La case de l’oncle Tom de Harriet Stowe.

1815 - Retour de Napoléon à Paris pour les Cent-Jours.

1602 - Création de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.


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