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1er août 1798. Malgré trois membres arrachés par un boulet, Dupetit-Thouars poursuit le combat.

dimanche 2 août 2015

Le capitaine du Tonnant meurt en héros au cours de la bataille d’Aboukir qui voit la victoire de la flotte anglaise sur la françaie.

Cela fait du bien, de temps à autre, de raconter l’histoire d’un authntique héros. Le 1er août 1798, le capitaine Dupetit-Thouars poursuit le combat malgré la perte de trois de ses membres emportés par un boulet lors de la plus grande bataille maritime de tous les temps, Aboukir ! Il se fait installer dans un tonneau pour rester debout et commander ses hommes jusqu’à son dernier souffle. En face, son adversaire n’est pas non plus un héros de pacotille. Il s’agit de Nelson en personne. Vous savez, le marin borgne et manchot perché sur sa colonne à Trafalgar Square...

La vie d’Aristide Dupetit-Thouars est pavée d’héroïsme. Né en 1760 du côté de Saumur, au sein d’une vieille famille aristocratique, Aristide Aubert intègre à 9 ans le collège militaire de La Flèche. Captivé par les aventures de Robinson Crusoé, il s’enfuit à plusieurs reprises pour essayer de se faire engager comme mousse. Ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais de l’eau de mer. Après avoir achevé ses études militaires, il tente, sans succès, de participer à la troisième expédition de Cook autour du monde. Du coup, il entame des études maritimes, puis participe à la guerre d’indépendance américaine. Quand l’expédition de La Pérouse, partie en 1785, ne donne plus de nouvelles, il décide d’armer un navire pour partir à sa recherche, car son frère botaniste en fait partie. En décembre 1791, l’Assemblée nationale et Louis XVI en personne lui octroient une belle somme, et comme cela ne suffit pas, Aristide vend ses biens.

Meute de navires ennemis

Le 2 août 1792, le voilà qui s’élance enfin sur l’océan à bord du brick de douze canons, Le Diligent. Mais il ne retrouvera jamais La Pérouse. En revanche, en cours de route, il tombe sur une quarantaine de Portugais mourant de faim sur l’île de Sel (Cap-Vert). Son bon coeur lui dicte de les sauver. Il les transporte donc sur une autre île où il leur abandonne presque la totalité de ses vivres. Il peut alors reprendre son voyage, mais pour le récompenser de sa générosité, Dieu envoie à son bord une affreuse maladie qui décime le tiers de l’équipage. Voulant trouver du secours au Brésil, son brick s’échoue définitivement devant Recife. Les Portugais, qui se méfient des événements révolutionnaires en France, l’arrêtent et l’envoient à Lisbonne, où il moisit en prison de longs mois. Libéré, ne pouvant plus revenir en France où la chasse aux aristos est ouverte, Dupetit-Thouars gagne l’Amérique du Nord. À deux reprises, il part, par voie de terre, à la recherche du passage du Nord-Ouest censé contourner l’Amérique par le nord. Il rencontre un aventurier entouré de quinze caméras de télévision qui dit s’appeler Jean-Claude Vannier... Il visite les chutes du Niagara avec La Rochefoucauld-Liancourt. Puis, après trois ans d’exil américain, il finit par retourner en France où il est réintégré dans la marine. En 1796, le voilà promu chef de division. Il prend le commandement du Tonnant en mai 1798, un vieux vaisseau de 80 canons qui fait partie de l’escadre de Bonaparte.

Une fois l’armée française débarquée, la flotte s’apprête à quitter le mouillage dans la rade d’Aboukir. Il faut faire vite, car celle-ci pourrait rapidement se révéler une nasse si la flotte anglaise se présente. Justement, celle-ci est signalée. L’amiral Brueys convoque un conseil de guerre à bord de son navire. Dupetit-Thouars s’empare de la parole pour dire : "On est perdu si l’on attend Nelson dans la position fausse où l’on est, il faut appareiller sans délai." On ne l’écoute pas. Le 1er août 1798, les navires français se retrouvent donc dans une position désespérée face aux canons de l’amiral britannique. La bataille s’engage. Autant dire que Dupetit-Thouars se bat comme un lion. Il demande à son équipage de clouer son pavillon sur le mât pour bien montrer qu’il combattra jusqu’à la mort. À lui seul, Le Tonnant affronte trois vaisseaux anglais à coups de canon. Il commence par mettre hors de combat le HMS Majestic. Pour autant, la flotte anglaise prend le dessus. Bientôt, Le Tonnant se retrouve seul pour affronter une meute de navires ennemis. Une grêle de boulets laboure son pont. Le combat dure toute la nuit.

Un boulet emporte un bras, puis les jambes

Les uns après les autres, les vaisseaux français sont dévastés. Le Tonnant est l’un des derniers à résister, cerné par l’Alexander, le Swiftsure, le Theseus et le Leander. Un boulet emporte un bras de Dupetit-Thouars, qui dégringole de son banc de quart. Refusant de quitter son poste, il se relève, se fait poser un garrot et reprend le commandement. Comme on le disait à son époque : "La douleur ne peut rien sur son âme de fer." Une nouvelle volée ennemie balaie le pont. Cette fois, Dupetit-Thouars y laisse les deux jambes. Croyez-vous que cela le décourage ? C’est mal le connaître. Le vaillant capitaine français demande à ses hommes de l’installer dans un baril placé sur la dunette. Ainsi peut-il encore assister au combat et lancer quelques ordres. Mais sa vie s’en va avec son sang. Avant d’expirer, il lance d’une voix forte : "Équipage du Tonnant, n’amène jamais ton pavillon !" Selon son dernier désir, son corps est balancé à l’eau. Les requins qui tournent autour du navire se plaignent de la portion congrue.

Bien qu’il ait perdu son mât et son gouvernail, Le Tonnant parvient à s’éclipser dans la nuit, s’épargnant la honte d’une reddition. L’honneur est sauf. Mais le vaisseau ne va pas bien loin. Il s’échoue sur une plage égyptienne, où les Anglais le retrouvent quelques jours plus tard, abandonné. Le destin du Tonnant ne s’arrête pourtant pas là. Il est renfloué par les Britanniques, qui l’incorporent dans leur flotte sous le nom de HMS Tonnant. Il combat sous les ordres de Nelson à Trafalgar, puis sert de navire amiral durant la guerre anglo-américaine de 1812-1815. C’est à son bord que, le 14 septembre 1814, l’Américain Francis Scott Key, venu négocier avec les Anglais, aurait écrit les paroles de l’hymne national américain, The Star-Spangled Banner, en hommage à l’acharnement des soldats américains à défendre leur bannière étoilée lors du bombardement de Baltimore. Enfin, dernière aventure du Tonnant : en 1815, il fait partie du convoi britannique amenant Napoléon à Sainte-Hélène. "Ciao amore, ciao", pleure Dalida.


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